« Voyageur sur le pas de la porte » (comportant le sous-titre « vers ») est un recueil dans lequel le poète peu connu Eugen Frunză nous délecte de 102 poèmes qui s'apparentent à des « ghazals », de 4 à 5 distiques.
Quelques remarques liminaires, glanées ici et là, sur ce poème à forme fixe :
« Le ghazal, gazel ou gazal (en persan : غزل) est un genre littéraire florissant en Perse aux XIIIe et XIVe siècles mais que l'on retrouve aussi en Inde et en Asie centrale. Il se présente sous forme d'un poème d'amour (le terme ghazal peut se traduire par parole amoureuse) ».
Quatre règles procèdent de la construction traditionnelle du ghazal :
« 1. le ghazal comporte en général de 5 à 15 couplets de deux vers chacun (ces distiques sont appelés sher). Chacun de ces couplets est considéré comme une entité indépendante au point de vue du sens. Il n'y a pas d'enjambements entre les couplets. le ghazal est donc une collection de shers et chaque couplet doit être un poème en lui-même. Il arrive qu'on les compare aux perles d'un même collier.
2. le premier couplet ou sher est appelé matla. Chaque ligne se termine par le même refrain ou radif qui peut être un mot ou un court segment de phrase. Ce refrain apparaît ensuite à la deuxième ligne de chacun des couplets suivants (c'est la règle dite du radif). le schéma est donc 1/1, 2/1, 3/1, 4/1, 5/1 et ainsi de suite.
3. Deux autres règles s'appliquent à la forme stricte du ghazal. Les vers doivent être de longueur équivalente (règle du beher ou mètre). le ghazal est donc une collection de shers de même mètre.
L'autre règle enfin est plus difficile à expliquer, elle a le nom de kaafiyaa et consiste à introduire une rime intérieure qui doit se retrouver avant chaque radif ou refrain !
4. Enfin le ghazal se termine par un couplet appelé maqta et qui inclut souvent sous une forme ou une autre la signature du poète (ce peut-être son pseudonyme ou quelque chose qui le symbolise). »
Le poète roumain, que je découvre avec ce recueil, s'impose donc une contrainte formelle et je trouve le résultat brillant, même si, au sens traditionnel du terme, ce ne sont pas de véritables « ghazals » à en juger d'après les règles exposées.
Publié en 1988, sous le régime communiste, le recueil comporte quelques (pas trop nombreux cependant) poèmes dédiés à la « patrie », mais cela n'est pas gênant, au contraire même, je dirais que la preuve du talent de versificateur n'en est que plus grande.
En plus de la patrie donc, de l'amour, des éléments de la nature, de « l'infiniment grand » et de « l'infiniment petit », c'est le passage du temps et la fatalité du destin qui préoccupent l'auteur, ce voyageur infatigable à travers le monde et le temps. On peut également trouver quelques hommages directs à des artistes admirés, comme le poète Nichita Stănescu (p. 66), le romancier
Thomas Mann (p. 47),
George Bacovia (idem), ou bien Bach (p. 98).
Pour une fois, je ne me hasarde pas à vous traduire des extraits, car l'original est inégalable, mais je lance ici, un défi (quelque peu insensé) pour ceux qui aiment la poésie. Je vous propose d'offrir un livre-surprise (de poésie bien entendu) à celui ou à celle qui parviendra à nous proposer ici une transposition/adaptation (avec rimes si possible) de mon poème préféré, „Plimbarea gâzei” (p. 47) que je vais, de ce pas, poster en citation.
À vos plumes, prêts, partez !