Sacré Dieu

En cochant ce livre dans la liste proposée par Masse critique, je n'avais pas pris garde à la catégorie d'ouvrage choisie. Je m'attendais donc à recevoir une étude de type universitaire sur Dieu… Quelle ne fut donc pas ma surprise de découvrir cette BD avec « Sacré Dieu » écrit en lettres d'or dans un beau nuage blanc. Dieu prend ici la parole pour se livrer au récit autobiographique d' une vie déjà multimillénaire et très remplie.
Cette dernière commence en – 90000 et se poursuit tant bien que mal jusqu'à nos jours. Au cours des 12 chapitres, Dieu revient sur les temps qui ont précédé son existence, puis sur sa naissance, son adolescence, ses multiples transformations, ses fréquentes et régulières heures de gloires ainsi que ses fréquents et réguliers déboires. Les premiers hommes sont essentiellement soucieux d'assurer leur survie mais face à l'hostilité de la vie, ils commencent petit à petit à se tourner vers l'invisible et apprennent à apprécier la magie d' instants dans lesquels se mêlent effroi et merveilleux. La nature fait peur mais elle est sacrée et les humains doivent lui rendre hommage pour ce qu'elle leur donne : leur pain quotidien. Les pensées s'affinent et deviennent de plus en plus abstraites donnant peu à peu naissance à l'art qui capture le visible et l'invisible. L' humanité a besoin d'être rassurée et de croire qu'une entité mystérieuse qu'elle nommera Dieu veille sur elle. L'humanité naissante pose les jalons de ce qu'elle nommera plus tard religion. Avec le temps, les hommes codifient le rapport à Dieu créant ainsi des « conduites à adopter » pour faire partie du cercle des bien-pensants ! « Fini de rigoler: je suis devenu une very important person ». Une personne importante que l'on commence à utiliser à des fins politiques en dotant régulièrement les puissants de pouvoirs divins qui leur permettent de susciter la culpabilité du peuple et de le soumettre. En même temps que la société change, la conception de Dieu change car les attentes sont différentes. Ce qui en revanche perdure, c'est ce que Nietzsche appelle die ewige Wiederkunft, le mythe de l'éternel retour, doctrine selon laquelle les êtres et les évènements du monde, à l'issue d'une période déterminée de temps, se répètent à l'identique. Quelle que soit l'époque et la latitude et qu'il s'agisse de monothéisme ou de polythéisme, au Dieu bon, juste et tolérant succèdent pompe sacerdotale, hypocrisie, corruption et abus de pouvoir qui auront pour conséquence une nouvelle révolution spirituelle innovante et pleine de bonnes intentions qui, elle aussi, finira de la même manière décevante que les précédentes. «  Je vais à nouveau changer de forme », oui, mais de forme seulement … de même, à des siècles d'emprise religieuse sur les esprits succèdent des périodes de farouche rationalisme auxquelles succédera à nouveau une exacerbation du sentiment religieux ! Car, alors qu'on le croyait mort, voici que Dieu ressurgit « Coucou, me revoilou, surprise, je suis de retour et je suis protéiforme ».  Il semblerait en effet que le matérialisme et le consumérisme tant célébrés ne suffisent plus à satisfaire l'homme finalement demandeur d'immatériel «  S.O.S. Sacré. À la recherche du Dieu perdu ». Et une fois de plus, «  Je vais aussi me transformer et m'adapter à la modernité, avec des visages bien différents » En ce début de 21ème siècle, c'est la nature qui revient au centre des préoccupations et avec elle le feminin resté trop longtemps en retrait des religions révélées, comme en Amérique latine où le culte de la Vierge Marie, sorte de féminin sacré, prend une ampleur sans précédent. C'est en cette dernière période que s'achève ce récit autobiographique excellement documenté et plein d'humour et dont je recommande la lecture à toutes les sensibilités et à toutes les tranches d'âge ! Un très bon ouvrage pour découvrir de manière agréable l'histoire des religions. Une histoire qui est bien loin d'être terminée pour Dieu comme pour les humains car « Nul doute que je vais prendre encore de nouveaux visages en fonction de l'évolution de leurs aspirations, de leurs modes de vie et de leur conscience ! » D'ici là, « Bisous, et allez en paix ! »