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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Lorsqu'on fait la connaissance de la famille Bryant-Milam, on rit gras et bruyant devant ces rednecks unidimensionnellement crétins et ridicules, à la limite de l'analphabétisme, menés par une matriarche grincheuse et une mégère surnommée Hot Mama Yeller ( « maman chaudasse et braillarde » ).

En quelques pages, on passe de la parodie de romans sudistes au polar lorsqu'un des membres de cette famille est retrouvé étranglé au fil barbelé, en compagnie du cadavre d'un jeune noir non identifié qui tient dans sa paume les testicules du premier. L'enquête est lancée …mais voilà que le corps du noir stocké à la morgue se volatilise …pour réapparaître sur une deuxième scène de crime avec les testicules d'un autre blanc dans les mains. Bienvenue à Money, petite ville rurale du Mississippi.

Des bouquins dénonçant le racisme systémique aux Etats-Unis, y en a pleins, des chefs d'oeuvre mais aussi des lourdauds empesés par leurs bons sentiments. Sur ce thème, je n'en ai lu aucun proposant une réflexion aussi radicale que celui de Percival Everett qui secoue et amalgame plusieurs genres littéraires.

De la satire sociale et du polar, donc, mais mâtinés d'un horrifique comique totalement dingue qui se déploie à mesure que l'enquête avance ou plutôt se cogne à l'irrationnalité des situations avec ces cadavres qui disparaissent et réapparaissent jusqu'à se multiplier. J'ai souvent pensé aux films de Jordan Peele ( Us et Get out ) ou sa série Lovecraft Country qui recourent au surnaturel pour décrire l'expérience afro-américaine du racisme avec un à-propos réjouissant. Cette note d'étrangeté parcourt tout le récit alors qu'il reste à majorité réaliste.

Percival Everett frappe juste là où il aurait pu se vautrer. Son intrigue est menée avec une énergie folle et un humour macabre jubilatoire qui distille une puissante sensation de malaise et des rires embarrassés. Mais on rit franchement face à la charge comique des jeux de mots, du choix des noms et prénoms des personnages, et surtout de certains scènes-farces : une assemblée du Ku-Klux-Klan ( dont les membres pleurent la belle époque des croix enflammées et des gâteaux préparés par les mamans pour l'après fiesta ) ou une réunion à la Maison blanche avec un Trump d'anthologie ).

On rit jusqu'à ce que cela fasse mal. Châtiment est une comédie très noire qui prend au sérieux la gravité de la question du racisme. Percival Everett réexamine avec acuité la notion de culpabilité collective et la façon dont elle s'envenime en l'absence de justice et de sanctions pour les auteurs de crimes racistes, jusqu'à réclamer vengeance ou voir apparaître un fantasme de vengeance sanglant.

Le choix de la ville de Money n'est pas un hasard, c'est là qu'a eu lieu le lynchage le plus tristement célèbre de l'histoire américaine, en 1955 : celui du jeune Emmett Till, quatorze ans. Cette parabole raciale brillante pique ainsi encore plus puissamment les consciences et rappelle le besoin de réparation mémorielle ravivé par les récentes violences policières qui ont donné naissance au mouvement Black Lives Matter..

Et quand surgissent les noms, sous forme de liste sèche, des victimes de lynchage depuis le début du XXème siècle, l'émotion jaillit, inattendue, dans ce roman incendiaire tout le temps surprenant. La résolution polar en devient presque secondaire ( même si je regrette tout de même un peu qu'elle soit moins convaincante que le chemin qui l'a amenée ).

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Si cette histoire n'est pas LE futur scénario de Quentin Tarantino, vraiment, c'est que je n'ai rien compris.
L'histoire: Il y a plus de soixante ans, un gamin Noir a été lynché pour avoir parlé à une gamine blanche. Si en France l'histoire était encore peu connue jusqu'à lors, le nom d'Emmett Till va servir d'étendard à la cause de défense des droits de ceux qui dénoncent le racisme aux États-Unis ou qui en sont les victimes.
Percival Everett, lui, va s'en servir comme point d'orgue d'un fabuleux thriller, dramatique et - chose incroyable - désopilant en même temps, du pur Tarantino je vous dis.
En quelques phrases: dans un bled bien perdu et bien sudiste, un homme (blanc) est découvert égorgé et castré, avec le cadavre d'un homme noir à ses côtés, tenant dans les mains les testicules manquants. Passé les premières interrogations de l'enquête, il se trouve que le cadavre de l'homme noir disparait pour réapparaitre un peu plus tard dans une même composition glaçante, avec un autre homme blanc castré.
Le shérif ne maitrise pas la situation, le KKK se reforme et le FBI envoie deux de ses agents (Noirs) résoudre le mystère. L'enquête s'alourdit encore quand plusieurs autres meurtres du même acabit ont lieu.
À la fois rythmée et soutenue, avec un casting impeccable, cette histoire un poil fantastique a tout pour plaire: sur un relent historique de racisme dégueulasse, une drôle (dans tous les sens du terme) d'enquête, dont les personnages et les répliques apportent de la légèreté quand d'autres auteurs se seraient contentés de noirceur ou de leçon de morale.
Un très excellent polar somme toute.
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Me voilà à nouveau dans le Mississippi pour un roman burlesque et caustique qui défie les genres.
Percival Everett a l'habitude de jouer avec le grotesque et l'absurde pour dépeindre une société américaine prisonnière d'un passé peu glorieux et coincée par ses contradictions.
Autour du racisme, sujet récurrent de ses romans, il mêle Tarantino et les frères Coen pour livrer une enquête jubilatoire où des détectives Noirs doivent résoudre des meurtres plutôt gore de Blancs racistes.

Je retrouve ici les rednecks rencontrés chez Kingsolver et Michael Farris Smith, à nouveau représentés dans une caricature grotesque, ( Donald Trump comme chef de file) et surtout comme association malfaisante de racistes nostalgiques du KKK.
La petite ville de Money dans le Mississippi est ainsi décrite : " C'est un repaire de pequenauds débiles qui sont restés bloqués au XIXe S d'avant guerre et offrent la preuve vivante que la consanguinité ne conduit pas à l'extinction."
Ainsi tous ceux qui ne sont pas blancs sont accusés de tous les maux comme ces "Wetbacks latinos qui raflent tous les boulots".

Mais Percival Everett fait semblant de jouer le jeu de la discrimination et des clichés et  prend un plaisir certain à tourner toute cette histoire en dérision et à égratigner les stéréotypes.
Le roman est construit à partir d'une histoire vraie, celle de l'assassinat d'Emmett Till, un jeune garçon noir battu à mort et lynché en 1955 parce qu'il aurait sifflé une jeune femme blanche.

On découvre au début du roman une famille blanche pauvre et dysfonctionnelle dans laquelle une vieille femme, Mamie C, déclare regretter avoir accusé à tort un gamin noir. Peu après, les fils de la famille sont retrouvés étranglés par des fils barbelés, énucléés et
émasculés auprès du cadavre d'un jeune homme noir qui réapparaît sur d'autres scènes de crimes.

Ces crimes gore qui éclaboussent ce patelin de péquenauds racistes vont sérieusement inquiéter la population blanche menée par le chef local du Ku Klux Klan qui cumule les fonctions de médecin légiste et de révérend.
Percival Everett se moque allègrement de la nostalgie d'une certaine culture sudiste.
"Pis y avait beaucoup plus de croix enflammées, des pique-niques en famille et des matchs de foot et tout ça, dit Donald. Je me rappelle que j'ai mangé du gâteau à côté de cette croix toute rouge. J'adorais le gâteau de ma mère."

Par ailleurs, l'arrivée des enquêteurs noirs, deux hommes puis une femme du FBI, va bouleverser les représentations de la population, habituée à voir le pouvoir et l'autorité détenus par des Blancs. Leur capital sympathie va même s'amplifier à mesure que leurs blagues parfois simplistes vont entrer en concurrence avec leur courtoisie et leur perspicacité.

L'émotion saura pourtant trouver sa place dans cette comédie percutante. L'un des personnages du roman, Mama Z, a constitué des archives colossales de tous les crimes de lynchage commis depuis le meurtre de son propre père. Sept mille six personnes noires sont répertoriées, et l'énumération de leurs noms les rend "réels de nouveau, et plus seulement des statistiques " comme le souhaite celui qui écrit leurs noms.

Peu à peu une déferlante de meurtres de Blancs va toucher tout le pays jusqu'à la Maison-Blanche (avec la mise en scène corrosive d'un Trump d'une absolue mauvaise foi ), et faire ainsi basculer le polar dans une zone étonnante entre le cauchemar et la fable satirique. Car des hordes de zombies noirs et asiatiques se répandent dans le pays.
De manière totalement inattendue, l'auteur va utiliser le surnaturel pour décrire le racisme comme pour confronter les américains à ces fantômes qui hantent leurs consciences.

A quelques mois de l'élection américaine, ce livre qui ne ressemble à aucun autre, pose des questions essentielles sur le besoin de réparation et la reconnaissance des violences policières envers les afro-américains.

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Formidablement féroce ! (Comment ça il faut développer?)
Money, Mississippi, des rednecks élevés dans le cru et les valeurs du KKK se font sauvagement assassiner et mutiler. A leur côté repose un homme noir, mort, qui disparait mystérieusement. Pour aider les péquenauds du bureau du shériff, l'état dépêche deux agents spéciaux qui par leur cynisme et leur couleur de peau vont mettre les nerfs des habitants de la petite ville à rude épreuve pour notre plus grand bonheur.
Dans ce roman très sombre et juste ce qu'il faut de vulgaire, Percival Everett dépeint l'Amérique trumpiste et raciste avec fureur et intelligence. Qui a dit qu'un polar n'était que détente?
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L'auteur vous propose un polar inimitable.
*****
Attirée par cette magnifique couverture, je l'ai été indubitablement. Elle résume à elle seule certains faits de cette histoire, ou en tout cas, l'origine de ce qui se passe ici.
L'histoire se déroule a notre époque dans la ville de Money (Mississipi), paisible (pas tout à fait) bourgade de péquenauds coincés au 19ième siècle (ce n'est pas moi qui le dit !!)
Des meurtres (atroces) d'hommes blancs y sont commis. A côté de leurs corps git celui d'un homme noir. Vont alors être dépêchés sur place deux enquêteurs du MBI (Mississippi bureau of investigation). Bien évidemment, ces derniers sont noirs !!
J'ai eu un gros coup de coeur pour ce duo d'enquêteurs Ed et Jim. Ils sont très réussis. L'alchimie entre eux est parfaite. Je me suis délectée de leurs dialogues que j'ai trouvé croustillants à souhait. Leur présence est, à mon sens, un des points forts de ce roman.
Vous l'aurez compris, le contraste entre noirs et blancs est largement travaillé par l'auteur, notamment concernant l'évolution (ou pas) des mentalités et génère, de ce fait, des situations que je qualifierais de cocasses si tant est qu'elles ne vous choquent pas. Je n'ai pas compté le nombre de fois où j'ai souri durant ma lecture alors même que le thème abordé est sérieux : racisme, lynchage... Et c'est là que Percival Everett est bluffant. Il saupoudre son récit d'un humour noir (sans mauvais jeux de mots) qui se veut parfois caustique et ça fonctionne à merveille. le mal est dénoncé mais avec beaucoup de dextérité.
Un petit bémol toutefois : la fin, sur laquelle je misais gros. Elle sera en demi-teinte pour ma part parce que j'ai trouvé qu'elle manquait d'explications. Je ne suis pas sûre, d'ailleurs, d'avoir pleinement appréhendé les tenants et les aboutissants du pourquoi et du comment.
Quoiqu'il en soit, je ne suis pas rancunière et je vais donc m'atteler à découvrir ses autres livres parce que cette histoire et cette plume sans pareilles vont longtemps me rester en tête.
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Voici un roman construit d'une manière telle qu'on en oublierait que le fond est si tragique.
Percival Everett, avec Châtiment, est parti d'un fait malheureusement authentique, le lynchage d'Emmett Till, 14 ans, en 1955, dans la ville de Money dans le Mississippi.
Cet état, comme beaucoup d'autres et particulièrement dans le Sud, a très longtemps pratiqué la ségrégation (est-ce vraiment terminé ?) et a été le berceau du KKK (mais doit-on en parler au passé ?).
Sans même changé les noms des protagonistes de ce drame, l'auteur imagine une vengeance à hauteur du crime avec les meurtres des descendants pas si innocents que ça des assassins du jeune Emmett, accusé à tort par une « blanche » de l'avoir sifflée dans la rue…..
Bien sûr, les histoires de vengeances sont habituelles dans les romans noirs.
Mais ici, rien n'est habituel.
C'est une fiction mais partant de faits réels, reprenant les noms des acteurs de ces faits et ça c'est très rare, même dans les « docu-fiction » les noms et lieux sont changés.
La ville est majoritairement « blanche » et ce sont deux flics noirs de l'antenne du FBI dans le Mississippi qui viennent mener une enquête qui dépasse le shérif « blanc », le tout dans cette ville de Money dont on voit qu'elle n'a pas évolué d'un iota depuis les années 50.
Mais ce n'est pas tout, Percival Everett y ajoute une sacrée dose d'humour à la façon de Joe Lansdale et ses deux personnages de Hap et Leonard avec ses deux agents spéciaux noirs qui doivent, en plus d'enquêter, subir les habitants de ce patelin qui ont bien du mal à surveiller leur langage et éviter certains quolibets.
Il en ressort un roman souvent très drôle avec un enquête originale, teintée de mystique. L'auteur ne réussit pas moins à faire passer son message et à rappeler à la mémoire de tous la mort d'Emmett tué pour un mensonge, à cause de la couleur de sa peau, par des imbéciles ignares, des bouseux dont même le meneur religieux faisant office de médecin légiste n'est autre que le grand chef des cagoulés à croix de feu.
Percival, en faisant s'exprimer ces personnages, en créant des situations parfois très drôles, prouve aussi que oui, on peut encore rire de (presque) tout sans pour autant salir la mémoire de qui que ce soit.

Lien : http://www.evadez-moi.com/ar..
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La petite ville de Money dans le Mississippi est touchée par une série de crimes. Des blancs sont assassinés avec des mutilations et le cadavre d'un homme noir est retrouvé sur les scènes de crime. le problème c'est que c'est le même cadavre qu'on retrouve et qu'on reperd.
L'enquête va au-delà des compétences du shérif et de ses adjoints. Ce sont deux enquêteurs qui se rendent dans la ville. Deux enquêteurs noirs dans une ville plutôt raciste. Ils vont se heurter à la réticence des autorités et de la population.
Un super thriller atrocement drôle. C'est plein de répliques décalées et cinglantes mais sans que cela ne dénote.
C'est plein d'observations malheureuses quant au racisme ambiant.
Le suspens est sagement mené.
Une très belle découverte de l'histoire comme de la plume.
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