Une lecture comme un préambule à la découverte des "Carnets" d'
Albert Camus.
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Journaux de voyage" est le regard de l'homme sur deux séjours effectués l'un aux Etats-Unis, l'autre en Amérique du Sud. le premier en 1946, au lendemain de la guerre et le second, un peu plus tard, en 1949 pour y donner des conférences littéraires.
Il y raconte son quotidien et y note ses sentiments, ses observations, tout autant que des idées de récits, des apartés de conversations, des descriptions somptueuses de la nature qu'il découvre.
Albert Camus , décidément, plein d'humanité à mes yeux : cet homme qui s'embarque sur un cargo pour traverser l'Atlantique, qui partage une cabine avec quatre autres voyageurs est le même que celui qui, pour l'Amérique du Sud, est conscient de la chance de posséder une cabine individuelle quand il voit tant de familles embarquer en quatrième classe pour ce long voyage. Toujours cette mémoire de l'enfance, il n'oublie pas sa pauvreté d'alors et son regard semble toujours se tourner vers ceux qui possèdent peu.
Albert Camus, l'homme passionné mais dont l'une des compagnes préférées est la solitude : celui qui revendique l'isolement durant la traversée vers New York, préférant regarder les étoiles, seul sur le pont que participer aux conversations mondaines. Celui qui regrette au Brésil, d'avoir toujours a être entouré, écouté, transporté, d'être celui dont on s'occupe finalement trop à son goût.
Albert Camus, admiratif de la mer, ces étendues d'eau capricieuses comme un remède à la lenteur du voyage, comme un réconfort à l'exil provisoire : ne dit-il pas qu'il a supporté New York quand il a pris conscience que la grande cité n'était en fait qu'une île ou quand il entendait la corne de brume des navires à l'approche ?
Une découverte des lieux par les les yeux de l'écrivain : le gigantisme d'une cité de fer et de béton et plus tard d'une autre ville où se côtoient richesse et favelas. Une quête comme un besoin d'air, comme une sortie d'apnée en déambulant dans les allées des parcs citadins, quand il suffoque dans l'air chaud et moite de cette Amérique du Sud où la beauté des paysages est contrebalancée par une atmosphère étouffante de chaleur et d'humidité.
Ces pages nous parlent tantôt d'un écrivain qui fait chanter la langue, écrit poétiquement ce qu'il voit, tantôt d'un homme qui cherche un isolement bienfaiteur pour temporiser l'envahissement des autres, tantôt nous parlent d'un homme dont la santé physique malmenée par tous les déplacements rejaillit sur la santé morale faisant de lui un être enveloppé de pensées sombres et d'idées noires.
Une lecture qui attise la curiosité, l'envie de cheminer encore aux côtés de cet homme qui observe et sait si bien révéler ses semblables et les paysages qui l'entourent.