Londinium, 1887, Isobel Galloway est totalement dévastée, sa soeur vient de mourir. La version officielle est qu'elle s'est suicidée, mais pour Isobel, il est impossible que Blair ait choisi de l'abandonner. Alors qu'elle se promet à elle-même de comprendre ce qui s'est passé, elle doit faire profil bas à la cour de la reine Victoria. Otage de cette immortelle despote comme tous les héritiers des puissances européennes, elle est contrainte d'y faire ses classes afin d'apprendre à maîtriser ses dons. Peu encline à faire des efforts, elle attend son heure pour démasquer les coupables. Mais Victoria a plus d'un ennemi et quand une série d'attentats secoue la capitale, cela pourrait bien mettre à mal les projets de la jeune fille ou au contraire, lui faire voir les choses sous un autre angle, qui sait ?
Dans
La Gardienne du Chardon,
Laurène Beles propose une uchronie mêlée à de la fantasy nous plongeant dans un Londres du XIXe siècle totalement revisité. En effet, la découverte de mystérieuses pierres sur le continent africain, au XVe siècle, a considérablement bouleversé la géopolitique du monde. Ainsi, la plume de
Laurène Beles donne vie à un découpage géographique et une redistribution du pouvoir sensiblement différents car l'Europe devient ici les Terres Occidentales et est sous le joug de la couronne britannique, l'empire russe, lui, est rebaptisé par le qualificatif de Terres Froides, l'Afrique devient la Confrérie Africaine, les Terres de l'Orient désignent l'empire ottoman, la Chine et l'Inde, également contrôlées par la reine Victoria sont qualifiées de Terres de l'Est, enfin pour l'Amérique, on parle de Confédération de l'Union marquée par la révolte d'indépendantistes qui occupent déjà un territoire, baptisé les Terres Libres.
Cette disposition donne la prédominance du monde à la reine Victoria et fait de Londinium et surtout du palais de Buckingham , un enjeu de pouvoir majeur.
Ce monde uchronique est donc façonné par ces pierres, habitées par des êtres éthérés que l'on appelle sources et qui s'éveillent au contact de certains humains, pouvant également leur servir d'hôtes. Or, ces sources ont offert leurs dons aux hommes à la condition qu'un Gardien soit nommé dans chaque pays pour y garantir la sécurité et la paix. A ce titre, le Gardien exerce donc une bien plus grande influence que les monarques sur leur territoire et même au-delà. Ces pouvoirs conférés par les sources relèvent de la maîtrise de la nécromancie et du contrôle des éléments, et se transmettent de manière héréditaire à travers les descendants des familles régnantes des différents pays. Ils nécessitent un apprentissage qui est dispensé au palais de la reine Victoria afin qu'elle est un parfait contrôle sur la totalité des territoires appartenant aux Terres Occidentales. La magie imprègne donc les pages de ce livre et l'inscrit de fait dans la littérature fantasy, d'autant que l'on y suit Isobel Galloway dans son rattrapage de cours ésotériques afin d'obtenir son examen de Passage.
En outre, l'univers de la Gardienne du Chardon emprunte également à l'esthétisme steampunk, directement inspiré par la mode de l'époque victorienne. Suite au meurtre du prince Consort, le palais de Buckingham s'est élevé dans les airs et n'est donc plus accessible qu'à bord de dirigeable ou par l'utilisation du funiculaire, rigoureusement contrôlé par une armée d'automates servant de gardes royaux. D'autres touches steampunk sont à noter ici ou là comme cet ingénieux système de communication installé dans tout le palais qui prend la forme d'un réseau de tuyaux à air dans lesquels des capsules contenant le courrier sont propulsés.
Avec
La Gardienne du Chardon,
Laurène Beles se fait l'autrice d'un univers fouillé que l'on appréhende au fur et à mesure de notre lecture grâce aux nombreuses annexes qui parsèment ce premier tome prenant notamment la forme d'extraits de journal intime, d'articles de presse ou encore de pages de réclame, et servant de balises éclairant notre chemin.
La Gardienne du Chardon est un véritable roman politique plutôt bien ficelé qui nous plonge au sein d'intrigues de cour, de complots politiques et autres cabales visant à renverser le pouvoir en place. Tous les éléments sont donc réunis pour proposer une lecture captivante et addictive qui tient en haleine d'un bout à l'autre.
Laurène Beles s'appuie sur une petite communauté de personnages intéressante à suivre car aucun n'est lisse. Ambivalents, complexes et meurtris, on apprécie de découvrir les destins tourmentés de ses singuliers protagonistes. Tous sont des êtres cabossés par la vie, tous ont un destin qui s'écrit dans le sang et les larmes. Ils sont donc indéniablement l'un des points forts qui nous attache à ce livre.
De par son univers riche et ses personnages complexes,
La Gardienne du Chardon cumule les bons points d'un excellent roman de fantasy. A suivre !
Fantasy à la Carte
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