Conférence de Sebastian Dieguez
Avec une nouvelle saison consacrée à la croyance, ce cycle de conférences interroge cette notion complexe et en examine les enjeux.
Lors de cette séance, le philosophe Sebastian Dieguez se penche sur les croyances contemporaines au coeur de nombreuses polémiques. Certaines postures peuvent-elles encore être envisagées comme des croyances ? Ou relèvent-elles d'une attitude qui pourrait être nommée la « croivance » ?
Conférence enregistrée le 28 février 2024 à la BnF I François-Mitterrand.
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« Le relativisme épistémologique propre au postmodernisme est en effet déjà du bullshit. […]
[…] le postmodernisme et la post-vérité sont tous deux le produit du bullshit, c'est-à-dire le fruit d'une pseudorationalité performative conduisant à la production d'assertions bidon et la croyance qu'on peut accéder à la connaissance simplement en le décidant, plutôt qu'en fournissant le travail qui risquerait d'aboutir à des conclusions non désirables. L'avide consommateur de fake news, l'adhérent aux théories du complot les plus futiles, les climatosceptiques, créationnistes et autres anti-vaccins les plus acharnés, "raisonnent" en réalité de la même manière que nombre de sociologues, philosophes et intellectuels (dé)constructivistes, marxistes, anti-réalistes et relativistes. C'est simplement au gré des circonstances que les uns sont devenus des gogos, tandis que les autres sont parvenus à se hisser au rang de gourou. » (pp. 312-313)
Il s’agit donc d’habituer notre esprit à ne plus céder à la tentation facile de surinterpréter, et surtout mésinterpréter, nos malheureux travers. Je propose au contraire de les embrasser comme des richesses : nos erreurs nous rendent plus humbles, plus curieux, plus malins que ce que prétendent Freud et ses disciples !
« […] l'opprobre associée au mensonge n'encouragerait-elle pas, en définitive, le développement de formes plus insidieuses et subtiles de manipulation, qui s'accompagneraient d'un sens exacerbé de la vertu ? Cette suggestion soulève des questions intéressantes quant aux conséquences des politiques de transparence totale et de moralisation, et renvoie également à la différence qu'entretiennent la propagande sous une dictature et la propagande (ou la "com'") dans une démocratie libérale. En d'autres termes, puisqu'il n'est plus possible (ou plus toléré) de mentir, il faut baratiner, enfumer, intimider, et produire toutes sortes de foutaises à la place. » (pp. 46-47)
Pourquoi diable, hormis quelques vaillants et rares pourfendeurs de bullshit qui ont toujours existé, les gens se font-ils si souvent tromper par des discours creux, des niaiseries sans intérêt, des fadaises grotesques et des imbécilités ridicules ? (146)