L’idéal est une illusion, mais sans cette illusion la vie ne vaut pas la peine.
Nous collons nous-mêmes nos affiches (…) pour faire de la propagande en attirant l’attention du public. Mais c’était chaque fois des avanies ; on n’admettait pas que des femmes puissent coller des affiches, surtout pour réclamer cette chose effarante : le droit de vote. Un voyou me vida sur la tête mon pot à colle et une vieille adhérente du groupe reçut au bras un coup d’épingle à chapeau d’une femme qui tenait sans doute à son esclavage (…). Toutes ces algarades finissaient au poste où les agents nous emmenaient escortées d’une foule hostile (…). Libérées, nous allions dans les journaux exposer notre aventure. D’ordinaire on nous recevait mal, parfois pas du tout.
Les mobiles universels de l’éducation sont simples ; ils s’appliquent à tous les êtres humains que l’on se propose d’éduquer, aux adultes comme aux enfants ; ils s’appliquent même aux animaux, ce sont la récompense et le châtiment.
Les gens d’opinions avancées pensent que ces mobiles doivent être abandonnés, parce que grossiers et autoritaires. Pourquoi, disent-ils, vouloir imposer aux enfants un travail qui les fatigue et les ennuie, ne vaudrait-il pas mieux rendre les études attrayantes ? Si le travail devient un plaisir, l’enfant s’y adonnera de lui-même, point ne sera besoin de l’y contraindre. A-t-on, au reste, le droit de contraindre, continuent ces logiciens, les enfants sont des êtres humains ; est-ce parce qu’ils sont faibles qu’on utilise d’autorité vis-à-vis d’eux ? Mais alors, cette autorité n’est qu’abus de la force . Tout aussi condamnable que les châtiments sont, pour eux, les récompenses. C’est, a-t-on dit, avilir le caractère des enfants que de proposer un objet matériel à leur ambition. Le travail a sa récompense en lui-même dans le sentiment qu’il nous donne du devoir accompli.
Les pédagogues d’opinion avancée se sont élevés aussi contre l’émulation suscitée par les compositions et les notes ; elles portent, ont-ils dit, à l’égoïsme et à l’orgueil : l’enfant doit travailler pour lui-même et non pas pour primer son camarade.
Il y a du bon, certes, dans toutes ces idées, mais elles ont le défaut de s’appliquer à une supra-humanité et non à l’humanité telle qu’elle est. Tous grossiers soient-ils, les châtiments, les récompenses, les compositions constituent des moyens tellement puissants d’éducation qu’ils ne sont, on peut le dire, pas remplaçables.
Libertaires, socialistes, syndicalistes, pacifistes, les femmes sont un peu tout cela, alors qu'elles feraient mieux de n'être que féministes, et de l'être sérieusement.
Le code que les bolcheviks ont rédigé à la hâte sur le mariage marque un très grand progrès en comparaison des lois similaires du monde entier.
Pas de formalités compliquées ; les fiancés, sans demander le consentement de personne, vont devant le fonctionnaire déclarer qu’ils veulent se marier ; on les marie.
La femme ne perd pas son nom en se mariant ; entre les deux époux, la loi établit l’égalité complète ; la femme ne doit pas obéissance à son mari et, quant à la protection, la femme la doit au mari, comme le mari la doit à la femme lorsque l’un ou l’autre sont hors d’état de travailler.
L’adultère n’est pas un délit ; la femme peut même l’avouer publiquement, en allant déclarer au fonctionnaire que l’enfant dont elle est grosse n’est pas de son mari, mais de tel autre homme (art. 340.)
Le divorce est aussi facile que le mariage ; il est accordé sur la volonté d’un seul des époux. page 124
Près de la Place Rouge est un sanctuaire de la grandeur de nos bureaux d’omnibus parisiens. On y vient, paraît-il, de toute la Russie. En face, sur un mur de briques rouges, à la hauteur d’un premier étage, la République des Soviets a mis en lettres blanches la fameuse inscription :
« La religion est l’opium du peuple. »
Cela ne paraît pas beaucoup impressionner le peuple. Toute la journée, c'est dans le sanctuaire un défilé ininterrompu. C’est à qui se prosternera ; celui qui ne peut pas entrer baise le pavé de la rue. page 108
Malheureusement, les mauvaises conditions de la vie matérielle retentissent sur l’instruction. Des bandes d’enfants traînent dans les rues ; on manque de locaux scolaires, de livres de classe, de papier, de plumes, d’instituteurs. C’est
l’effet de la guerre et du blocus, l’effet du sabotage du régime par les classes moyennes. Enfin, on doit accuser aussi l’inaptitude des Russes au travail suivi et à l’organisation. page 99
Suivant que l'on est homme ou femme, le mot honnête a un sens différent. L'honnête homme est celui qui ne porte pas tort à ses semblables ; la femme, elle, peut porter tort à autrui et être quand même considérée comme honnête ; car son honnêteté, à elle, est d'un ordre tout spécial : elle consiste à souscrire à la loi de l'homme.
La famille actuelle est établie selon le principe autoritaire. C'est une petite monarchie absolue dans laquelle l'homme, père et mari, exerce le pouvoir que lui ont conféré la loi et les mœurs.
Nulle égalité dans l'amour conjugal ; l'homme possède et la femme est possédée ; il a des droits qui sont pour elle des devoirs.