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Critiques de Jennifer D. Richard (66)
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Le diable parle toutes les langues

Le personnage central de cet histoire est au début du roman âgé et mourant. On pourrait presque pendant quelques pages éprouver une sorte d’empathie pour lui et son triste sort d’humain en bout de course. Mais en découvrant à qui on a affaire, le regard évolue. C’est l’histoire d’un homme qui a réussi, si tant est qu’accumuler une fortune colossale, être décoré de multiples médailles et affublé de titres honorifiques est un signe de réussite. Or derrière le personnage public et le mécène, se cache un marchand d’armes opportuniste et peu scrupuleux, se nourrissant à tous les râteliers pourvu que, grâce aux transactions, l’or s’entasse.



Un deuxième personnage avide l’accompagne et même le guide dans ce commerce occulte, son épouse Pilar.



Au milieu de toute cette abjection, on fait connaissance avec sa fille, qui l’assiste dans ces moments qu’elle sait être les derniers, et la jeune fille s’efforce de compenser les méfaits de son père par de multiples actions humanitaires, de racheter la conduite paternelle, d’autant que ce qu’elle découvre dans les écrits qu’il lui a laissés est encore au delà de ce qu’elle imaginait.



L’homme en fin de vie ne regrette rien, tente même de justifier ses faits et gestes, parce que si ce n’avait été lui , un autre l’aurait fait…Sans jamais prendre en considération les millions de morts qu’il devrait avoir sur la conscience.



Un talent immense pour le commerce, mis au service des actions les plus viles des décideurs pris au piège d’une boulimie d’un vain pouvoir.





C’est très instructif sur le plan historique, sur cette période qui couvre la fin du dix neuvième siècle et le début du vingtième. Un bel effort de documentation. et un personnage si détestable, qu’on reste marqué par ce roman.


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Notre royaume n'est pas de ce monde

Drôle d'assemblée ! Jennifer Richard invite son lecteur à une bien curieuse réunion dans « une dimension parallèle »… Une soirée où tous les invités ont des points communs : ils ont réellement existé et sont morts assassinés pour leurs idées, leurs convictions. On retrouve parmi eux Jaurès, Zola, Lumumba, Sankara, Kabila, Lincoln, J. F. Kennedy, Geronimo et Ben Barka (les deux très brièvement), Martin Luther King, Malcom X, Che Guevara, Oussama ben Laden, Saddam Hussein, Pier Paolo Pasolini, beaucoup d'autres dont un bon nombre inconnus du grand public, et une seule femme : Rosa Luxembourg. Un narrateur à la troisième personne intervient la plupart du temps, mais Ota Benga, le pygmée qui est l'organisateur et l'animateur de cette « Amicale des insurgés », intervient à la première personne pour nous narrer sa propre histoire. Les discussions vont bon train entre les participants : congratulations, contradictions, engueulades. Certains se connaissent, d'autres non, même quand ils appartiennent à la même époque. Il faut dire que Jennifer Richard nous promène sur trois continents. Nous irons ainsi en Belgique, en France et en Angleterre, dans plusieurs pays africains, mais essentiellement au « Congo belge », ainsi que dans plusieurs États américains. Entre 1896 et 1916, nous rencontrerons, en plus de certains des invités, de nombreux personnages ayant eu, de près ou de loin, un rôle à jouer dans l'exploration, la colonisation et le commerce dans les pays africains, ainsi que dans la ségrégation, l'exploitation ou les prémisses de l'émancipation des Noirs : Stanley, Brazza, Mark Twain, Léopold II et son inénarrable maîtresse française, des missionnaires britanniques et américains noirs ou blancs avec leurs épouses, etc., et beaucoup d'Africains dont notre Histoire officielle ne mentionne pas même les noms, « ceux qui ne comptent pas ». Ota Benga conversera aussi fréquemment avec Roger Casement, « diplomate et militant indépendantiste irlandais », qui tient une place importante dans cette terrible aventure.

***

Pas besoin d'avoir lu les deux premiers volets de la trilogie pour apprécier Notre royaume n'est pas de ce monde. le roman s'appuie sur des faits réels et l'autrice a puisé dans une impressionnante documentation (voir la bibliographie). Albin Michel la présente comme une Franco-Américaine d'origine guadeloupéenne. Elle semble parfaitement au fait des événements et connaît assurément très bien l'histoire de la colonisation en Afrique comme celle des Noirs américains. Entre les chapitres qui font revivre la grande Histoire s'intercalent, en italique, les conversations de la réception, ce qui permet au lecteur de souffler un peu après certaines des horreurs relatées ici. Pour ma part, j'en connaissais quelques-unes, mais bien peu, et je me rends compte avec un peu d'étonnement que je sais plus de choses sur l'histoire des Noirs américains que sur celle des Africains. L'écriture est limpide, précise, et le récite évite l'écueil du didactisme pesant. J'ai beaucoup aimé le ton : malgré l'horreur de ces faits révoltants, l'autrice ne se départ jamais d'une certaine ironie et d'un humour plus ou moins appuyé. Les prises de bec entre Martin Luther King et Malcom X sont savoureuses, par exemple. Je ne suis pas près d'oublier l'image de Jaurès consultant frénétiquement les pages Wikipédia sur son portable pour savoir de qui on parle… Il se charge ensuite d'apporter des précisions qui valent pour son interlocuteur comme pour le lecteur ! Un très bon roman et une incitation à lire les deux précédents.

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Il est à toi ce beau pays

Ce que j’ai ressenti:

▪️Elle est à toi, cette sensation…



C’est l’un des livres qui m’a été le plus difficile de lire, parce que j’avais l’impression d’avoir sous mes yeux, une blessure à vif…Une blessure ouverte, purulente…La condition du peuple noir est alarmante, et c’est encore malheureusement d’actualité… Ils ont subi au cours des siècles et sur tous les continents, l’esclavage, la ségrégation, l’indifférence, la haine. Avec ce roman-fleuve, qui retrace 20 ans d’Histoire, on va ouvrir les portes de ce beau pays qu’est le Congo, pour savoir que même avec l’abolition de l’esclavage, leurs sorts et leurs considérations ne se sont pas améliorés pour autant…J’ai eu la sensation d’une hypocrisie écoeurante en découvrant ce que ces hommes blancs conquérants ont mis derrière le mot « civilisation », et c’était loin d’être agréable d’aller voir ça de si près…Des fois, il m’a fallu poser le livre, parce que c’était trop d’émotions, trop de souffrances et qu’on ne se remet jamais tout à fait de cette sensation qui vient te perforer le cœur…C’était hier, mais c’est tellement aujourd’hui aussi, ce fléau raciste. Je ne sais pas encore combien de temps, ce roman va me hanter. Longtemps…Indéfiniment, j’imagine…



On ne se remet pas de tant de souffrance. Si on n’y perd pas la vie, on y laisse son âme.



▪️Elle est à toi, cette admiration…



Jennifer Richard nous offre un roman magistral, aussi dense que remarquable. Entre aventure et histoire, légendes et réalité effroyable, on explore les terres africaines avec tout ce qu’elles recèlent de richesses, de folklore et de beautés pour un voyage absolument inoubliable. Pour autant, ce livre est aussi époustouflant que bouleversant…Parce que l’auteure nous raconte aussi toutes les horreurs possibles et inimaginables que l’Afrique a pu endurer pendant des années. La violence est omniprésente, les ravages considérables et l’ampleur des dégâts monstrueux. Plus je lisais, plus j’étais admirative de son style, de la puissance évocatrice, de sa perspicacité et son travail de recherche. Il est à toi ce beau pays, c’est une plongée immédiate et profonde dans la réalité de la colonisation du Congo, avec tout ce que ça comporte d’enjeux politiques, socials et économiques au détriment du peuple, de l’environnement et de ses valeurs.



La nuit camouflerait peut-être la misère.



▪️Il est à moi, ce coup au cœur…



C’est un conseil, c’est sans aucun doute une évidence pour moi, il faut lire ce livre. Je pensais faire un voyage paisible avec un titre aussi joli, mais non…Et pourtant je ne regrette aucune minute de ce temps que j’ai accordé à cette lecture…Il est fort en émotions, très fort même, j’ai cru ramasser les miettes de mon cœur parfois dans des passages mais effectivement, il est beau ce pays. Dépecé, magique, brûlé, envoûtant, saccagé, mais incontestablement beau à en faire venir les larmes jusqu’à mes yeux. Ce beau pays. Et Jennifer Richard lui rend toute sa splendeur en près de 800 pages.



Le danger, quand on vous aime trop, est de ne plus toucher terre.



Ma note Plaisir de Lecture 10/10


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Le diable parle toutes les langues

Ignorant tout de ce Basil Zaharoff, je ne savais naturellement pas bien à quoi m’attendre. Mais l’idée de découvrir la vie de ce personnage haut en couleur, parti de rien pour devenir l’un des hommes les plus influents de la planète, était déjà en soi stimulante. En plus, la période allant de la moitié du XIXe siècle jusqu’à 1936, alors que l’Empire Ottoman est en train de s’effondrer, et alors que l’Europe va connaître deux grands conflits, pendant que les États-Unis construisent les bases sur lesquelles leur hégémonie va progressivement se construire, m’est mal connue.



Ce personnage, ce Basil Zaharoff, nous est immédiatement montré comme le méchant, l’incarnation du mal, celui par qui le pire va arriver. Sur la couverture, une déclaration de Romain Gary, « Sir Basil Zaharoff, le plus grand marchand de mort des temps modernes », plante d’entrée le décor. Et, en effet, cet homme qui a trempé dans tous les conflits du temps – et il y en a eu -, qui a su placer ses pions de façon à alimenter tous les états en armes, mais également investir dans tous les pays et sur tous les marchés – pétrole, presse, finance, assurances -, à la tête de celui que l’on adore détester.



Là aussi, on nous donne quelques indices, comme lorsque l’auteure dédicace le livre « aux gilets jaunes, à Julian Assange, à Pierre » – les remerciements en fin d’ouvrage permettant d’émettre l’hypothèse que Pierre serait celui qui aurait fait découvrir ce personnage à Jennifer Richard, alors qu’une citation d’Anatole France ouvre le livre sur ces mots :



« On croit mourir pour la patrie ; on meurt pour des industriels. »



On voit alors se dessiner un certain tableau, on croit deviner un certain positionnement politique.



Et le début du livre conforte bien dans ce sens. L’homme né à Constantinople, fils d’une famille « grecque » de l’Empire Ottoman, en rébellion contre un père violent et alcoolique, fait ses premières armes dans le commerce. Il apprend à fournir ce qu’on lui demande, oriente les clients vers les prostituées de sa connaissance… Mais, surtout, il apprend à ne se couler dans aucun moule. Avec un Juif, il est Juif, avec un grec, il est grec, avec un turc, il est turc. Le client est roi ! Et c’est cette « philosophie » qu’il va élever au rang de grand art, devenant le représentant à la fois de la maison Vickers, des Krupp, d’Hiram Maxim – père de la mitrailleuse du même nom.



Prototype du vendeur sans états d’âme, il raconte comment, ayant vendu aux grecs, soucieux de marquer leur autonomie vis-à-vis des turcs, deux sous-marins inutilisables, il a profité de ce contrat pour vendre les mêmes – tout aussi inutilisables – aux turcs, puis à la Russie. En prenant, naturellement, sa part des bénéfices au passage. L’image initiale se conforte : l’homme est sans morale, sans pitié, sans conscience.



Mais… mais petit à petit, l’image se trouble. Attention, l’homme ne devient pas sympathique, ce n’est pas le sujet. Mais on découvre petit à petit certaines de ses motivations. Très tôt, il rencontre celle qui sera l’amour de sa vie, Pilar, fille de la haute noblesse espagnole, promise, alors qu’elle n’a que 16 ans, à un duc espagnol à l’esprit dérangé, parfois violent. Mais Pilar n’est pas une victime. Bien au contraire. Elle veut tout, toujours. Elle veut plus, surtout. De Basil Zaharoff, elle attend qu’il aille toujours plus loin. Et par amour, il va tout déposer à ses pieds, alors qu’il ne plie devant personne. Ainsi, il tente, dans les années 20, d’acheter la Principauté à Albert de Monaco, dans l’idée d’offrir à son amour la place qu’elle mérite.



Pourtant, mariée, elle a fixé la règle du jeu : ils seront amants, mais rien ne sera officialisé tant que son mari sera en vie. Elle finit par épouser Basil… 35 ans plus tard, mais meurt d’une infection quelques mois seulement plus tard.



Ce livre est un dialogue entre Basil, qui, au travers de ses écrits, ne se cache pas d’avoir intrigué, menti, trouvé des arrangements avec sa conscience, et Angèle, sa fille adoptive, dont la droiture parait être son opposé. Et le dialogue est plutôt réussi. Mais, surtout, ce que ces échanges soulignent assez bien, c’est qu’il est sans doute simpliste de vouloir faire de Basil Zaharoff le seul coupable de toutes ces histoires. Lui, évidemment, évacue sa responsabilité en essayant – assez maladroitement – de faire passer l’idée que ce n’est pas le marchand d’armes qui donne la mort, et de reporter sur les acheteurs l’entièreté de la culpabilité. Mais force est de constater qu’au final, tout le monde semble tremper, à un titre ou un autre, dans ces intrigues.



Mais il y a un bémol… j’attendais, avec un tel récit, à une telle époque, dans de tels pays, quelque chose d’épique. Mais je n’ai pas trouvé ce souffle, qui aurait pu porter soit une condamnation sans appel, soit une amnistie spécieuse. Mais non, jusqu’au chapitre où Basil Zaharoff raconte sa rencontre – et, d’une certaine façon, son admiration pour Hitler -, l’auteure semble avoir fait le choix de rester factuelle. C’est peut-être la meilleure façon d’aborder le sujet… mais cela ne contribue pas à nous emporter.



Pour l’histoire, pour la complexité de la société de l’époque, pour les manipulations mises ici en lumière, ce livre est passionnant. Draper tout cela d’une grande aventure aurait peut-être contribué à atténuer la dénonciation… mais aurait sans doute participé de la remise en question de la société de cette époque et de ses choix…


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Le diable parle toutes les langues

Jennifer Richard a évité les pièges de la biographie romancée. Elle n’a pas péché par didactisme, vêtu son fantôme des habits de la modernité, ni même tenté de le parer des ors qui lui faisaient défaut. Le marchand de canons Sir Basil Zaharoff nous apparaît tel qu’il a été : un businessman opportuniste et sans scrupule, complice d’une caste politico-militaro-industrielle dont il a fourbi les ambitions (« Leurs méfaits, si gros qu’ils prennent la forme d’une bifurcation des évènements et s’inscrivent dans les livres d’histoire, ne se voient plus, à hauteur d’homme »).

Accomplissant un remarquable travail d’historienne, elle nous révèle les secrets du magnat : un cynisme de rigueur, un égoïsme aux vertus capitalistes, une empathie toujours feinte et ce refus, oriental et catégorique, de ne pas laisser la foi et la superstition se mêler des affaires. Sir Basil Zaharoff a l’art de flatter son prochain, de provoquer la jalousie ou de casser les grèves. Il a une conception de l’humanité fondée sur l’affrontement permanent des peuples. La paix (et ses représentants, tel Jaurès) est son ennemie.

Si le récit de sa participation indirecte aux tristes épisodes de l’histoire est passionnant, ce sont les tourments de son âme qui m’ont fascinée. Jennifer Richard nous les rapporte avec finesse et talent. Le fait qu’elle soit une femme n’est d’ailleurs pas étranger à la mesure de son emballement, à la qualité de son écriture. Une femme a moins de complaisance, moins la tentation de s’émerveiller devant ces joujoux de mort, d’en faire les instruments d’un texte qui, en devenant épique, tomberait dans l’indécence.

« Le diable parle toutes les langues » (très beau titre) est le pendant littéraire de l’excellent film « Lord of war ».

Bilan : 🌹🌹🌹

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Notre royaume n'est pas de ce monde

Quelque part, dans une salle d’une dimension parallèle, sont réunies des personnes ayant toutes reçu une invitation à participer à la réunion de l’Amicale des insurgés. « Mort suspecte ? Mort précoce et violente ? Vous pensez avoir été assassiné ? Le cas échéant, vous estimez l’avoir été pour vos idées ? Sortez de l’ombre ! » (p. 10)





Les convives sont Pierre Savorgnan de Brazza, Jean Jaurès, Malcolm X, Paolo Pasolini, Martin Luther King, Saddam Hussein, Rosa Luxemburg, etc. Leur hôte est Ota Benga, un Pygmée, né au Congo. Sa famille a été tuée par la Force publique de Léopold II, roi des belges. Il a été réduit en esclavage. Il a ensuite été déraciné et emmené en Amérique, par un missionnaire : Samuel Philippe Verner. Il a été alors l’attraction phare de l’Exposition universelle de Saint-Louis, puis enfermé dans le zoo du Bronx. Il indique à ses invités qu’il va leur raconter son histoire, qui est aussi la leur. Le cœur en est la période de 1896 à 1916 et est enrichi d’évènements qui se sont déroulés entre 1800 et 2022.





Ota Benga déroule l’histoire de la colonisation et de l’impérialisme. Il décrit les horreurs que le peuple africain a subies et qui ont conduit, en 1904, à la naissance de la Congo Reform Association. Cette organisation avait pour objectif de dénoncer les crimes commis par les fonctionnaires belges, sous l’autorité de Léopold II. L’un de ses fondateurs, Roger Casement, est présent dans la salle et, même s’il a fait avancer la cause, il souffre de l’échec de son combat. Il lui est difficile de revivre ces évènements par la voix d’Ota Benga. Il n’a jamais oublié les mains et les pieds coupés des Africains, immortalisés par l’appareil photo de Alice Seeley Harris, une missionnaire britannique, révoltée, elle aussi, par le comportement des colons.





Au fil de son récit, Ota Benga s’adresse aux personnes de l’assemblée qui ont vécu les évènements. Dès qu’un nouveau nom est cité, Jean Jaurès dégaine son téléphone portable et lit la page Wikipedia de la personnalité concernée. Au début de ma lecture, je consultais la liste des personnages, intégrée à la fin du livre et je lançais une recherche internet au sujet de ceux qui n’étaient pas référencés. Par la suite, j’ai compris que ce n’était pas nécessaire : j’ai laissé Jean Jaurès le faire à ma place et j’ai délaissé la technologie. Les interventions de ce dernier sont pleines d’humour et d’humanité. Il participe, activement, à la conférence, tentant de comprendre les faits qui ont mené à la guerre. Il interpelle souvent son ami Émile Zola. Alors que tous les protagonistes ont, réellement existé, nous sommes dans une dimension parallèle, à laquelle j’ai, entièrement, adhéré. Je ne m’étonnais pas que des héros discutent avec des dictateurs, alors que les premiers étaient déjà morts quand les seconds sont nés. J’ai découvert la vie de personnages réels, dont le nom m’évoquait, parfois, une plaque de rue, sans que je ne connaisse ni leur vie, ni leur métier, ni leurs actions.





Notre royaume n’est pas de ce monde est une fresque d’une richesse historique phénoménale, qui entraîne, irrémédiablement, un changement en nous. Elle m’a fait beaucoup réfléchir sur la colonisation et ses horreurs, ainsi que sur sa responsabilité sur l’état de notre monde actuel. J’ai aussi éprouvé un sentiment de culpabilité collective. Pourtant, malgré des scènes très sombres, mais hélas authentiques, mon humanité était réconfortée par celle de ces hommes et ces femmes qui se sont battus pour la justice et la fin des exactions, alors qu’ils savaient, qu’ils devinaient que leur lutte les mènerait à la mort. Enfin, les touches d’humour adoucissent l’ambiance et permettent de reprendre notre souffle, c’est un roman magnifique et captivant pour lequel j’ai eu un coup de cœur immense.




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Le chemin de la liberté

Booker naît esclave dans une plantation.

A neuf ans, après la guerre de Sécession, il travaille dans une mine de sel puis dans une mine de charbon.

Son rêve est d'apprendre à lire.t

Il y arrivera puis rejoindra une école gratuite à l'autre bout du pays.

Il deviendra enseignant puis montera un grand centre d'apprentissage pour les noirs.

Ses talents d'orateur le feront vite remarquer.

Il sera même invité à la maison blanche

Homme juste, intelligent, sensible, il fera beaucoup pour l émancipation de son peuple



Excellente idée qu'a eue l'auteur d'écrire la biographie de Booker T. Washington.

Sa vie et son œuvre sont admirables.

Il m'était parfaitement inconnu alors que son parcours est admirable.

Je suis vraiment contente d'en avoir pris connaissance
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Il est à toi ce beau pays

Waouh, la claque ! Quelle fresque historique, j'ai été émue, prise aux tripes et au coeur.  On rencontre beaucoup de personnages historiques, c'est passionnant, bouleversant et déroutant car on se rend compte que l'homme n'apprends pas de ses erreurs et que les ignominies d'hier sont peut-être celles de demain. La question raciale  a toujours été un problème aux Etats-Unis et un siècle après c'est toujours difficile, il n'est pas utile de ressasser les récents événements, la condition des noirs actuellement.



Des personnages forts et passionnants, un thème universel et fort, une écriture qui saisit le lecteur et ne le lâche pas. Je n'ai jamais senti de lassitude alors que c'est un pavé de 700 pages.  J'ai traversé le temps et j'ai voyagé sur un siècle d'histoire de l'humanité et j'ai aussi ressenti toute une palette d'émotions.  Ca m'a donné envie d'approfondir pour étoffer mon discours quand je tombe sur des abrutis racistes. 



VERDICT



Un livre dont on ne sort pas indemne, une fresque que je ne suis pas prête d'oublier. A lire sans hésiter.
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Le diable parle toutes les langues

Connaissez-vous Sir Basil Zaharoff ? En ce qui me concerne, je n’en avais jamais entendu parler, alors que c’est un homme qui a été l’objet de nombreuses dénonciations, avant d’être oublié. Né en 1850, il a été de toutes les guerres de son époque et demeure le plus grand marchand de mort. Il commerçait avec tous les pays, vendant ses armes à tous, sans état d’âme. Deux soldats ennemis qui s’affrontaient utilisaient, certainement, tous les deux, un équipement qui avait enrichi Basil Zaharoff. Aussi, il a œuvré pour que des guerres aient lieu. En 1908, il a obtenu la nationalité française (il était Grec). Pourtant, pendant la Première Guerre mondiale, qu’il appelait de tous ses vœux, il fournissait la France et la trahissait en s’associant à l’industriel allemand Krupp. Véritable caméléon, il prenait la personnalité qui séduisait son interlocuteur, c’est ainsi qu’il a approché les plus grands dirigeants et a su tirer profit de tous les combats. Il était persuadé que si ce n’était pas lui, ce serait un autre.





Il était, également, impliqué dans les conflits sociaux. Lors des grèves, il a conseillé la Société Navale de l’Ouest. Il a préconisé, à la direction, d’inciter les syndicalistes à la violence, de faire régner le chaos pour attirer « les journalistes, avides de scandale ». (p. 205) Il proposait de provoquer des rixes pour diviser les manifestants et l’opinion publique. Cela entraîne, inexorablement, une réflexion sur les mouvements sociaux actuels.





Est-ce parce qu’il a été encensé et honoré qu’il est tombé dans l’oubli ? Il a été fait grand officier de la Légion d’honneur, grand-croix de l’ordre de l’Empire britannique. Il a été décoré par l’Espagne, la Roumanie, l’Italie, etc. Est-ce parce que sa vie écorne le destin d’hommes d’Etat ? Pour exemple, ce roman montre une facette de Georges Clemenceau que je n’imaginais pas.





Dans Le diable parle toutes les langues, Basil Zaharoff se raconte. Il a confié des carnets à une de ses filles adoptives, Angèle. Dans ces écrits, il confie ses responsabilités dans les conflits mondiaux, son influence dans la presse (qui lui appartenait en grande partie), ses investissements dans les domaines qui rapportent, tels les armes et le pétrole, ses complicités avec tous les chefs d’Etat, son amour pour Pilar, la mère d’Angèle et de Cristina, etc. Au seuil de la mort, cette démarche n’est pas pour soulager la conscience de celui « qui préfère régner en enfer plutôt que de servir au paradis ». (P. 416) Cela semble être une ultime provocation […]





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Le diable parle toutes les langues

Le sujet du livre est le marchand d'armes Basil Zaharoff, « le plus grand marchand de mort des temps modernes » selon Romain Gary. Pour ce faire, l'auteure croise des mémoires apocryphes de Zaharoff avec le regard de la fille de Basil lisant ces mémoires. On découvre un être obsédé par l'argent, faisant fortune par le commerce de la mort, un homme sans conscience, sans morale, cynique au point de profiter de chaque conflit potentiel entre États considéré comme une manne.

C'est un peu convenu et superficiel. On aurait aimé en apprendre plus sur ce bonhomme, sa psychologie qui reste survolée, et les mécanismes profonds du commerce des armes qui ne peuvent se résumer à la corruption et à la séduction. Car il y a sans doute des intérêts de classe qui sont peu abordés ici.
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Il est à toi ce beau pays

Une excellente critique et interview de l’auteure par Jean-Claude Vantroyen dans le supplément « Les livres » du Soir des 28 et 29 avril 2018 !





Jennifer Richard offre une grande et passionnante fresque historique et romanesque

Entretien :

Voilà un roman que tous les Belges devraient lire. Il anéantirait leurs dernières illusions sur le rôle héroïque des Belges dans leurs missions « civilisatrice » et « pacificatrice » de l’Afrique centrale. Pour Léopold II, il s’agissait tout simplement de donner à son royaume une grandeur qui pouvait satisfaire son ego et doper l’économie de son pays. Les moyens ? Pousser Stanley à explorer le plus possible et planter le drapeau belge dans les régions les plus éloignées, aller plus vite que les Français de Brazza, que les Allemands, que les Anglais. Tout cela sous le couvert de la lutte contre la traite des Nègres, c’est-à-dire contre les Arabes qui en faisaient le commerce. Mais, libérés du joug de l’esclavage, les Africains se retrouvaient sous la férule mordante des Belges, et si la situation était sans doute théoriquement plus morale, elle n’était pas nécessairement meilleure.

Il est à toi ce beau pays. C’est le titre que donne Jennifer Richard à son très beau roman. Cela aussi, c’était théorique à la fin du XIX e siècle. Et sans aucun doute encore maintenant. Un roman qui parcourt plus de deux décennies, de 1873 à 1896. Et les trois continents. On se retrouve sur les traces de Stanley ou de Brazza en plein cœur de la forêt équatoriale, dans le palais de Laeken avec Léopold II, à Paris avec Jules Ferry ou à Londres. Mais aussi à Washington, en Virginie, en Ohio avec les militants américains contre la ségrégation que furent Booker T. Washington ou George Washington Williams.

Tout commence cependant par Ota Benga. Le livre et l’idée du roman.

En effet. Nous étions à New York en vacances. On a lu un article sur le zoo du Bronx dans le Lonely Planet. Il y avait un encart sur Ota Benga, un Pygmée qui avait été exposé en 1906 dans ce zoo avec les singes comme, deux ans plus tôt, à l’Exposition universelle de Saint-Louis. J’ai été prise de compassion pour cet homme en imaginant ce qu’on pouvait ressentir en passant trois semaines dans une cage avec un orang-outang et des touristes qui vous jettent des cacahuètes. Je me suis renseignée sur Ota Benga. J’ai trouvé un livre écrit par le petit-fils du missionnaire qui avait été le chercher au Congo. J’ai enquêté sur ce missionnaire et j’ai découvert ce qui s’était passé en Afrique centrale à l’époque, le Congo de Léopold II, Stanley qui s’était mis à son service pour explorer et annexer ces territoires, la concurrence entre Stanley et Savorgnan de Brazza. J’ai découvert aussi que l’accélération de l’enrichissement de l’Europe à ce moment-là coïncidait avec l’instauration de la ségrégation judiciaire dans le sud des Etats-Unis. Tout ça est concomitant et lié. Du coup, Ota Benga sert de pivot au roman. Il en est le début et la fin. Il nous permet de voyager sur les trois continents, puisque lui l’a expérimenté dans sa chair.

Vous vous êtes dit : je vais faire le grand roman de la colonisation ?

Ce n’était pas mon intention au départ, mais ça s’est trouvé ainsi en cours de route. Parce que j’ai découvert des personnages, j’ai été époustouflée par les destins de Stanley, Brazza, Léopold II, des personnages qui ont initié les droits civiques aux Etats-Unis. Aujourd’hui, on est très critique vis-à-vis des explorateurs, mais ils avaient une force de vie et une volonté incroyables. Ils travaillaient pour des monarques, qu’ils soient rois ou présidents, mais c’étaient d’abord des surhommes.

Tout est-il vrai ?

J’ai inventé les dialogues – ce n’est pas un livre d’histoire, c’est un roman – mais les lieux, les dates, les événements sont tous réels.

Est-ce un moment idéal pour revisiter cette histoire ?

Bizarrement, d’autres romans et des documentaires parlent de ce thème. Colson Whitehead l’année passée, David van Reybrouck plus tôt. Je ne sais comment les idées viennent. Ce n’est peut-être qu’une coïncidence. Mais il est important de parler de la colonisation. Et dans un roman, on voit les gens agir au quotidien. Il me fallait montrer les acteurs de cette période, voir ce qui les motive, comment leurs combats animent ou non leur quotidien.

L’histoire n’est pas finie, ni celle de la colonisation ni celle de la ségrégation.

C’est loin d’être terminé. On nous apprend que la décolonisation est finie. Mais non : la néocolonisation est toujours là et elle ne sert pas les Etats, comme jadis, mais les grandes entreprises. Les Etats colonisés français en Afrique n’ont toujours ni souveraineté militaire ni souveraineté monétaire : en quoi un Etat peut-il dès lors être souverain ? Non, ce n’est pas terminé.

JEAN-CLAUDE VANTROYEN
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Requiem pour une étoile

Difficile de ne pas en dire trop... D'une lecture très rapide, ce roman est absolument incroyable ! Jennifer D. Richard manie d'une main de maître son intrigue, dévoilant juste ce qu'il faut au lecteur pour permettre à celui-ci de s'imaginer son univers apocalyptique sans en comprendre les codes. C'est une sorte de contrat de lecture implicite passé entre l'auteure et celui qui la lit dès les premières pages.

Le flou qui règne autour de ce monde en plein chaos participe de l'ambiance et de l'ambiguïté de cette intrigue. On ne sait rien de ce qui précède le début du roman, si ce n'est que la terreur et la violence règnent sur ce monde.

Les personnages sont énigmatiques, eux aussi, et leur part de mystère est aussi au service de l'intrigue. Pourquoi Illidan a-t-il tout oublié ? Pourquoi ses fils craignent-ils tant leur mère, une femme pourtant parfaite en apparence ? Et quel est ce mystérieux contrat que Sigrid, la femme d'Illidan, a passé avec un homme à la mine patibulaire ? Que de questions se chevauchent tout au long de cette lecture. Et c'est en cela que réside le talent de Jennifer D. Richard : faire s'interroger son lecteur sur une intrigue floue contextualisée dans un univers dont elle ne nous donne pas les codes... Brillant !

Le roman est divisé en trois parties, chacune prise en charge par un personnage et narrée d'après son point de vue. Au fil des pages, le mystère se dissipe peu à peu... jusqu'à la révélation finale, qui intervient dans les dernières pages.

Formidable histoire d'amour impossible, Requiem pour une étoile ne ressemble à rien de ce que j'ai pu lire auparavant. En 225 pages, Jennifer D. Richard entraîne avec brio son lecteur dans une intrigue dense au rythme rapide.

Une excellente découverte pour moi, un roman lu en une après-midi, une expérience de lecture étrange.
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Notre royaume n'est pas de ce monde

Cet ouvrage débute par une réunion au sommet: une partie des plus grands noms de l’Histoire ont été convoqués par Ota Benga, pygmée d’Afrique.

Parmi ces grandes figures se trouvent Martin Luther King, Emile Zola, Che Guevara et tant d’autres…

Si ils ont été rassemblés c’est pour entendre un récit, celui de la contre-Histoire de ce qu’il se serait réellement passé, notamment au Congo, dès 1896.



Ce roman nous envoie directement au cœur de l’histoire et de la politique et donne la parole à ceux que nous avons adoré ou peut-être acculé. Il est hors du temps et sa dimension grandiose lui donne une mesure presque fantaisiste. Néanmoins, les faits racontés sont bien issus d’une vérité, celle qu’a souhaité défendre l’auteure.



La plume est noble et élégante, le langage soutenu est en corrélation directe avec les époques traversées et les convenances relatives à celles-ci. Il s’agit d’aborder l’Histoire et la politique, le rythme lent est donc tout à fait adapté.



J’ai vécu cette lecture comme une forme d’éveil cérébral et d’ouverture à d’autres « vérités ». Comprendre les enjeux politiques, économiques de l’époque et réaliser tristement à quel pour l’humain n’avait pas sa place à cause d’eux, m’a rappelé que, depuis toujours, nous recommencions sans cesse les mêmes erreurs!



C’est un ouvrage très riche qui mène a la réflexion que j’ai découvert ici! Un récit où ceux qu’on a blâmé en leur temps n’étaient pas forcément les vrais bourreaux et où les Grands Hommes finissent toujours par être abattus à cause de leurs convictions et leurs combats. Qu’ils vous semblent justes ou pas…
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Il est à toi ce beau pays

L’ouvrage m’avait interpellé dès sa sortie, tant pour son sujet (rarement abordé) que pour l’esthétique de sa couverture. Et ce ne sont pas ses 700 pages bien sonnées qui m’auraient fait reculer ; il fallait juste trouver le bon moment pour lui accorder toute l’attention qu’il méritait. Parce qu’en effet, attention il lui fallait. Non pas qu’il était difficile, mais complexe, fouillé, vaste précis. On pourrait presque penser qu’il s’agissait d’un essai ; par je ne sais quelle magie du style, l’auteur a réussi à en faire un roman passionnant, glaçant, et sans l’ombre d’un doute historiquement irréprochable.

Sur un quart de siècle (le dernier du 19ème) en débutant son propos par le suicide en 1916 en Virginie d’Ota Benga, homme du Congo, exposé telle une bête foire un peu partout pour finir ouvrier d’une manufacture de tabac. Le sort de ce pauvre homme résume à lui tout seul celui d’un continent : l’Afrique qui durant les 25 années précédentes fut livrée à ses fossoyeurs.



Ainsi, tout au long de cet ouvrage, Jennifer nous raconte avec précision et érudition la colonisation de l’Afrique, alors que parallèlement s’installe aux USA la ségrégation à la suite de l’abolition du servage.



Nous côtoierons donc tous les personnages de l’époque qui de David Livingstone, Stanley, Brazza, Joseph Conrad, Georges Washington Williams, à Léopold II de Belgique, pour le meilleur et surtout pour le pire ont d’abord exploré le continent, pour le livrer aux missionnaires et aux criminels.



Passionnant, foisonnant et exigeant, ce livre mérite du temps et concentration. Il sort assurément des sentiers battus alors que son sujet - le sort du peuple noir en Afrique comme en Amérique du nord- est lui on ne peut plus universel et actuel.



Un grand livre que je ne suis pas près d’oublier !


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Notre royaume n'est pas de ce monde

Voilà une lecture très pointue.

Il faut beaucoup de culture et connaître un minimum l'Histoire pour comprendre et apprécier ce livre.

La plume est élégante.

Un ouvrage riche, intéressant, qui pousse à la réflexion mais qui, selon moi n'est pas à la portée de tous.
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Notre royaume n'est pas de ce monde

« Ici, le meurtre et le pillage; là-bas le mensonge; là-bas où l’écho des pleurs et des grincements de dents n’arrive pas, on se paie de grands mots: progrès, civilisation, humanité! Mais c’est, au contraire, le triomphe de la barbarie. Ce Haut-Chari, c’est la condamnation atrocement motivée de notre colonisation même, en une mise au jour hideuse de tous ses vices et de toutes ses fautes »



Notre royaume n’est pas de ce monde, Jennifer Richard @editionsalbinmichel @jdayrichard #rentreelitteraire2022



Je viens de tourner la dernière page d’un livre percutant et remarquable, brillamment écrit et documenté, dans un style unique et virtuose!



Comment parler de la colonisation? Des mains coupées au Congo belge? Du sort des Afro-Américains? Du traitement accordé aux défenseurs de causes? Des contestataires? De l’esprit de révolte?



C’est ce que l’autrice réalise avec brio en imaginant une réunion dans l’au-delà, organisée par Ota Benga, Pygmée d’Afrique, réunion à laquelle sont conviés les sacrifiés de l’Histoire de 1896 à nos jours, qu’ils soient du côté des encensés de l’Humanité comme des désavoués… jugez-en donc par vous-mêmes!



« Le choix n’a pas été facile pour dresser la liste des invités. Vous n’avez pas les mêmes idées, vous n’avez pas mené les mêmes vies, ni les mêmes combats. D’ailleurs, vous avez peut-être remarqué que tous ici ne sont pas des enfants de chœur…

Jean Jaurès jette alors un œil discret sur Pasolini, qui lance un regard réprobateur à Kabila, qui toise Ahmed Abdallah, qui souffle la fumée de son cigare en direction de Saddam Hussein, qui se tourne à son tour vers le mystérieux Libérien en treillis. Thomas Sankara observe Khadafi, qui lui adresse un sourire sibyllin. Personne ne repère Oussama Ben Laden, au dernier rang, enveloppé dans les mille replis de son manteau en poil de chameau. »



À travers la gestion du Congo belge par Léopold II, gestion cruelle et vorace, c’est toute l’idée de la colonisation/« occupation » qui est remise en question, analysée et présentée sans fard!



« Ils font toujours comme ça, les soldats, quand ils nous attrapent, quand il n’y a pas de caoutchouc, quand ils sont fâchés ou quand ils sont avec les démons. Ils coupent. Moi, ils ne m’ont pas coupé parce que je suis fort et que je peux récolter beaucoup de caoutchouc. Mais ma petite fille, elle ne pouvait rien faire. Elle était inutile. Ils l’ont prise, comme ça, et ils ont coupé sa main et son pied devant moi, devant sa mère, et devant ses frères. Elle a eu très mal. Elle a beaucoup crié et elle a beaucoup pleuré. »



Il est bien sûr aussi question des Afro-Américains, de l’œuvre de Booker Taliaferro Washington, du combat de WEB Du Bois, Malcolm X, Martin Luther King… du sort que l’Amérique a réservé aux populations autochtones, à ses anciens esclaves…



Mais il est aussi question de la Terre et du traitement que lui accorde l’Humain.



« Autrefois se mêlaient vallées et bois. Ils accueillaient girafes et éléphants, offraient une halte aux oiseaux migrateurs et un havre de paix à toutes sortes d’animaux qu’il se plaisait à dessiner pour les enfants de la mission. Il n’y avait plus rien à dessiner. La forêt avait été rasée, et la terre creusée à une centaine de mètres de profondeur ne présentait plus à la vue qu’une cuvette poussiéreuse. »



Pourtant, entre ces lignes sombres, ces exactions sans appel, cette inhumanité sans nom, se cache un message de paix et d’espoir… 🌟 un message à retenir et à transmettre… pour le monde de demain qui se construit dès aujourd’hui 🌍



« Ce qui compte, c’est que personne ne doit mourir de faim sur une planète qui regorge de ressources; que la possession ne saurait justifier la destruction des peuples, des animaux et de la flore qui les entoure, ni la pollution de l’eau qui nous abreuve, de l’air que nous respirons; que l’amour et la fraternité doivent être le ciment des relations, et non le contrat et le commerce; que nous avons des obligations et des droits dans nos communautés et que nous tous qui vivons ensemble et ensemble existons, d’où que nous venions, nous sommes la matière première de nos rêves et de nos espérances. »



Une œuvre fondamentale!
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L'illustre inconnu

Je commencerai par remercier Babelio et les éditions Robert Laffont de m'avoir envoyé ce livre dont l'auteure m'était inconnue.

Ce fut une excellente surprise et je dois dire que j'ai pris beaucoup de plaisir à la lecture de cet ouvrage, chargé d'ironie, d'histoire et de vie collective ( dans la seconde partie.)car ce livre est composé de deux parties, la première consacrée au jeune Félix et la seconde à la vie de son aïeul.

Félix Fort naît, à Yvetot, de père inconnu alors que son grand-père qui lui aussi s' appelle Félix décède.

De nombreux visiteurs viennent admirer le bébé alors que le "vieux" Félix gît, seul, abandonné de tous dans une autre chambre.

Cet enfant va grandir, élevé uniquement par des femmes, sa mère et sa grand-mère.

Il va avoir l'impression qu'il n'est personne et tout le monde car les gens le prennent souvent pour des personnes célèbres mais il est toujours â la recherche de son grand-père dont personne ne veut lui parler.

Il va donc utiliser ce phénomène pour devenir célèbre et finira an faisant des voix pour la télévision.



Il rencontre une jeune aveugle, Alma, musicienne, née d'une mère anglaise et d'un père français, dont il tombe éperdument amoureux et qu'il va épouser.

Avec elle, il reviendra à Yvetot, dans la maison familiale qui est encombrée des vieilleries et de vieux papiers.

Dans ce fatras, il va trouver l'objet de sa quête: de vieilles lettres écrites, chaque semaine, par son grand-père à son épouse et que nul n'a jamais vu.

Alors nous allons entendre la voix du grand-père qui va lui aussi nous conter sa vie.Il est le dernier enfant de la fratrie, fait la guerre de 1914-1918 en compagnie de son frère qui est tué à ses côtés.

De retour de la guerre, il reprend son métier d'opticien-lunettier.

Il se marie et longtemps après il a la joie de devenir père alors qu'il est considéré comme stérile.

La naissance de sa fille le comble de bonheur.

Pour elle et son de épouse, il invente des gadgets pour leur faciliter la vie et s'approprie la découverte de nombreux gadgets actuels.

La seconde guerre éclate, Yvetot est bombardée et l'occupation allemande met la population en esclavage.

Vers la fin de la guerre, Félix accueille un parachutiste anglais qui, en quelques heures, devient son ami. Il lui répare sa magnifique montre.

Yvetot est de nouveau bombardée par les alliés puis libérée.

Pendant l'occupation, nous partageons la vie des habitants pro ou anti allemands, les dénonciations et le marché noir, puis les horreurs commises à la libération.

Pendant ce temps, le vieux Félix poursuit sa vie transparente et supporte, parfois difficilement d'être oublié par ses proches.

Pour conclure un bon livre entre roman et histoire.

J'ai omis de préciser que ce livre est extrêmement bien documenté au niveau historique; en conséquence le rendû de la vie des habitants est particulièrement bien traité.



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L'illustre inconnu

Tout d'abord, merci aux Editions Robert Laffont et à Babelio, masse critiques de m'avoir offert ce beau livre.



Un beau livre, en effet. J'ai beaucoup aimé.



Le roman est coupé en deux parties. Le narrateur est, dans la première partie, Félix Fort, jeune homme dynamique, né en 1970, le jour du décès de son grand-père, appelé Félix Fort, également !



La première partie m'a beaucoup plue car elle relatait des faits historiques de ma génération. Truffée d'anecdotes amusantes, cette première partie concerne les relations mère-fils, grand-mère petit-fils. En effet, Félix est élevé par sa maman célibataire et par sa grand-mère. Enfant choyé, comblé, presque étouffé mais heureux. Seul manque à sa vie, la quête de son identité. Il ne comprend pas pourquoi on ne lui parle jamais de son grand-père.



Jusqu'au jour où Félix (junior) va découvrir dans la maison de sa grand-mère, des lettres écrites par Félix (sénior) adressées à sa grand-mère. Là se termine la première partie pour enchaîner sur la deuxième partie qui est consacrée à la vie du grand-père.



Changement de décor, changement d'époque, nous faisons donc connaissance du grand-père ayant eu une vie bien remplie, pleine de découvertes. Cette deuxième partie était très intéressante également, surtout sur l'aspect historique. On y découvre le ressenti des personnages pendant la 1ère guerre mondiale ainsi que la deuxième mondiale et d'autres évènements historiques (ouverture des cinémas, les télévisions arrivent dans les foyers, ...).



En lisant le 4e de couverture, je m'attendais à un livre plus historique, justement. Ce livre se lit plutôt comme une biographie, un témoignage de deux personnes vivant à des époques différentes.



L'écriture est fluide, riche, très agréable à lire, attendrissante parfois, humoristique aussi. La première partie m'a semblé un peu longue. Mais c'est sans doute parce que j'avais hâte de connaître la suite !



542 pages de détente et de bonheur. A lire.
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Requiem pour une étoile

Autant le dire tout de suite : ce roman m'a conquise ! C'est un véritable coup de coeur !



Requiem pour une étoile est à la fois roman d'anticipation et un roman noir (voire thriller). Dès les premières pages, l'auteure nous embarque dans un monde chaotique où règne une atmosphère très particulière (traffics en tous genres, insécurité, prostitution, ventes d'armes, ...). Je me suis sentie mal à l'aise pour les personnages, enfermés dans un monde devenu fou.



Puis, rapidemenent surviennent toutes ces questions que l'on se pose en même temps que le narrateur, Illidan. Qui est-il ? Pourquoi a-t-il oublié sa femme et ses enfants ? Pourquoi Sigrid, attentionnée et douce est-elle redoutée par Jason et Luka ? J'ai beaucoup aimé ces moments de flou qui s'éclaircissent à mesure que la lecture avance. Le roman se lit rapidement... Il faut dire que l'intrigue est très prenante.



Le roman est divisé en trois parties : Illidan, Stella et Sigrid. Chacun des personnages prend en charge la narration et tous ont leur importance. J'ai trouvé la polyphonie très judicieuse. Stella m'a particulièrement touchée, malgré mes a priori (elle apparaît d'abord superficielle et hautaine). Ainsi, la jeune femme nous dévoile des souvenirs enfouis dans la mémoire d'Illidan que lui-même n'aurait su retranscrire. Les personnages sont bien campés et pour certains très très étonnants (oui, j'insiste !).



J'ai totalement adhéré à l'intrigue qui, de suspense en rebondissements nous offre un final diabolique à souhait. L'auteure écrit ici avec une facilité déconcertante qui m'a convaincue de la première à la dernière page du roman.



Pour conclure, je n'aurai que 2 mots : bravo et encore !
Lien : http://ulaz.vefblog.net/
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Requiem pour une étoile

Un univers étrange, futuriste sans l’être, où la pauvreté et la violence règnent en maitre et où l’individualisme est poussé à son extrême.



Illidan, parti gagner sa vie dans la Fournaise, revient auprès des siens, mais il a perdu la mémoire. L’auteur excelle à nous maintenir dans le flou en nous faisant nous poser 2 questions pour une réponse qu’elle nous donne. Qu’est-ce qu’Illidan a bien pu faire dans la Fournaise pour perdre la mémoire ? Pourquoi ses enfants craignent-ils ainsi leur mère ?



L’auteur alterne 3 parties où l’un des personnages principaux est tour à tour le narrateur. Ce point de vue et le flou volontaire maintenu sur ce monde donne un aspect intimiste, un peu huis clos à l’histoire, qui peu à peu se déroule sous nos yeux. Sans dévoiler l’histoire, on en apprend un petit peu plus à chaque chapitre, même si l’histoire ne se dénoue vraiment qu’à la dernière page. Une histoire forte, superbement menée, avec des personnages finement décrits.
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