J’avais commencé à lire ce livre à sa sortie il y a des années et je l’avais abandonné car le sujet m’avait semblé un peu rébarbatif et déprimant.
Je l’ai repris dernièrement après avoir vu l’excellent film d’Emmanuel Carrère -Ouistreham- avec Juliette Binoche dans le rôle principal. Le cinéaste a apporté quelques modifications au récit de Florence Aubenas mais l’esprit du livre y est globalement respecté.
En 2008, lors de la crise des subprimes, l’auteur décide de s’intéresser aux travailleurs précaires et particulièrement à ceux qui « travaillent dans la propreté » à savoir les femmes de ménage.
Après avoir réfléchi aux différentes manières d’aborder le sujet, elle considère que la meilleure approche est de vivre l’expérience par elle-même. Elle part donc s’installer à Caen sans un sou en poche et se met dans la peau d’une femme divorcée, sans diplôme et sans expérience professionnelle. Commence alors le parcours de la chercheuse d’emploi : Pôle Emploi, sociétés de ménage, boîte d’intérim…
Elle enchaîne alors diverses missions de quelques heures sur différents sites -campings, hôtels, entreprises…- La plus marquante étant le ferry qui fait la liaison entre Ouistreham et l’Angleterre.
Avec des mots simples et précis et sans s’appesantir, elle évoque parfaitement les conditions de vie et de travail des « invisibles » qu’elle a côtoyé lors de cette expérience : le travail épuisant physiquement et nerveusement, les patrons autoritaires, les usagers irrespectueux, les heures supplémentaires non payées, les trajets pour aller d’un site à l’autre parfois plus longs que les missions elles-mêmes, les horaires décalés, le manque de sommeil… Et ce qui fait l’intérêt de ce livre c’est que tout cela est vécu de l’intérieur par l’auteur.
Elle explique aussi les rouages de la crise et l’impact qu’elle a sur des citoyens ordinaires.
Elle se fait en quelque sorte le porte-parole des personnes qu’elle rencontre : ses collègues, les agents du Pôle Emploi, les personnes qui l’ont aidée à trouver du travail… Elle les dépeint souvent avec une petite pointe d’humour et d’affection. Le fait qu’elle ait vécu parmi eux et même ait été l’une des leurs pendant plusieurs mois donne beaucoup de force à son récit.
Le ton de ce livre n’est absolument pas misérabiliste, on y trouve au contraire beaucoup de chaleur humaine, d’entraide, de solidarité et même d’amitié.
Comme le dit l’un des personnages du film : elle a « fait le taf ».
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