"Le figuier sous lequel nous dansions enfants a été coupé. Je ne savais plus où aller. Dans une tristesse que je connaissais par corps, j'ai fini par fuir sans montrer mon ombre.
Dans la poésie, j'ai vu la possibilité d'habiter un lieu et d'y retrouver la tendresse des femmes qui m'ont élevée. Écrire revient à les abriter. Comme un geste de maternité.
(...)
elle, gardienne du pays
prête à accueillir
l'ombre qui se dresse sur le seuil
(...)
comment lui dire qu'il faut désormais guérir ?
(...)
au-dessus de son lit
des empreintes d'hier
mur criblé
mon doigt questionne le trou
y avait-il quelqu'un debout ?
(...)
à quoi pensent ce qui ne lisent pas la poésie?
(...)
mes enfants ne partez pas
nous vivrons de si peu
n'oubliez pas la mer
n'oubliez pas les figuiers
qui portera ma fatigue ?
(...)
ma fille pleure les anémones, le cassis
et les calvaires du monde entier
il est temps de nourrir les rires
(...)
Ma fille sait nommer les nuages
et prier la langue anonyme
(...)
piqueuse de justice
donne-moi, rends-moi
des muscles à mes pensées
(...)
j'ai vu le corps mort
ici s'arrête le temps
l'enfant voit et soudain sa peau à vieilli
de tous les siècles
(...)
le vide rempli
la terre retournée à la terre
le creux poussière
dedans le corps
lumière de mes yeux
vers quel abîme ?
(...)
dans les poches de mes souvenirs, Maman danse
je lui souris
(...)
nous sommes au théâtre de la mort
nous te jouons et nos rires formes
la prière originelle
c'est l'offrande faite aux vivants
(...)
et le corps ?
il faut le nouer au soleil
tracer le feuillage des peupliers
et y déposer des éclats de rire
(...)
Je suis fille de la fille
c'est à moi de consoler
à moi de porter les fleurs
les horizons
(...)
entre nos larmes
des enfants continuent à jouer
rien n'est donc perdu
(...)
Fadwa n'a jamais parlé
enflée de silence
elle ne pouvait vivre près des mots
les femmes de mon pays meurent avant d'écrire
(...)
je nous écris
germes d'incendies
femme-courage
(...)
je cherche un carré de soleil pour me souvenir de toi
(...)
je bois le désordre du monde
(...)
dans le doute
laissez les enfants se bercer par eux-mêmes
il n'y a pas de liberté dans les départs
il y a des cerveaux à dévorer
dans des villes qui refusent le soleil
(...)
pouvons-nous vivre ininterrompu ?
Pouvons-nous extraire le tout sens du mot ?
Les pieds serpentent et labourent la terre
comme pour sonder une nouvelle saison
j'écoute la mer et je prie"
Ma fille pleure les anémones, le cassis
et les calvaires du monde entier
il est temps de nourrir les rires
malgré le Liban
Ma fille sait nommer les nuages
et prier la langue anonyme
corps jubilant
retourne enfin
ressac déplanté
à notre ciel où les étoiles se multiplient
à quoi pensent ceux qui ne lisent pas la poésie ?
Où finit l’enfance ?
où commence l’immensité ?
j’ai vu le corps mort
ici s’arrête le temps
l’enfant voit et soudain sa peau a vieilli
de tous les siècles
l’enfant voit et demande
que fait-on du corps?
comme un tueur qui sait déjà
que le corps est encombrant
que le corps doit être caché
Le devenir de mon sexe meurt des opinions.
Je veux aller là où le corps déclare pudeur
à rebours vers l’idée de Dieu.
"Il pénètre le sens occulte et nous le croyons,
car il est l’allié de Dieu.
Il parle d’amour et égorge la nuit."