Aude Lhotelais

La vue de ces insectes provoqua une nausée insupportable à la commissaire. Elle réussit à tenir le coup et fit abstraction de ces êtres vivants nécrophages pour observer la position dans laquelle la jeune fille était installée. Elle était allongée sur le dos, les bras disposés le long du corps. Sa tête était rejetée en arrière. Elle ne regardait pas le ciel au-dessus d'elle mais le paysage qui s'étendait au pied de la falaise. Hyacinthe repéra immédiatement la faculté de médecine et le complexe hospitalier. L'axe du corps correspondait à la direction dans laquelle on trouvait les bâtiments.

Elle détestait Internet pour de multiples raisons et, une fois de plus, c'était le système lui-même qui le lui prouvait. Une multitude de sites correspondant aux critères qu'elle avait tapés s'afficha sur l'écran, mais elle ne trouvait rien d'intéressant. Elle décida de revenir à la bonne vieille méthode traditionnelle.

– Il est grand temps que je t’expose les règles du jeu Hyacinthe.
Manon ignorait totalement Célia. Elle ne s’adressait qu’à la commissaire.
– Ce n’est pas un jeu. Vous avez tué des innocents et vous avez enlevé ces femmes. Pourquoi ?
– Ce n’est pas encore l’heure des questions Hyacinthe, mais bientôt, tu sauras. Patience ! Je sais que tu es celle qui pourra poursuivre mon Œuvre. Tu es l’Élue et…
– Que dalle, je ne suis rien de tout cela ! Allez vous faire foutre !

- Merci. Je vérifierai plus tard, pour le dossier. Le tueur l'a donc déposée sur cette falaise au milieu de nuit. Il l'a tuée en lui infligeant de nombreuses coupures sur tout le corps. Ce n'est pas une coïncidence. C'est le même homme. Ça voudrait dire qu'on aurait affaire à...
- Un tueur en série.

Hyacinthe étant en vacances à cette période, c’était donc le capitaine Girard qui avait étudié le dossier avec le lieutenant-colonel Vaugirard. Les deux hommes en étaient arrivés à la même conclusion : il s’agissait d’un copieur, assez maladroit d’ailleurs dans la réalisation du procédé de scarification. Suite à la résolution de l’enquête du « Tueur des falaises », la presse avait donné une foule de détails concernant les tueurs et leur mode opératoire. Hyacinthe avait été encensée par les autorités. Ce déferlement d’articles avait peut-être suscité une vocation chez un malade qui avait jugé opportun de signer son crime en laissant le prénom de la commissaire, histoire de se faire remarquer.

Elle s'assit au bord de la fontaine située en plein milieu de la place du village. Les commerces étaient tous ouverts et les vacanciers avaient envahi les lieux. Ils regardaient avec curiosité l'église catholique qui faisait face au temple protestant. C'était une des particularités de cette région de l'Est de la France. Les deux religions étant pratiquées à parts égales dans la population, elles étaient toutes deux représentées par des édifices religieux qui, la plupart du temps, étaient très proches géographiquement l'un de l'autre. Comme quoi des pensées et des conceptions différentes pouvaient cohabiter dans la joie et la bonne humeur. Cette petite note d'espoir fit un bien fou à la commissaire qui avait du mal à retrouver le sourire.

- Charmante soirée en perspective. Je ne gagnerai pas contre ce tueur. Il t'a prise avant moi. Tant pis. je vais me résigner et rester seul avec ton beau visage en mémoire.
- Bon, j'y vais, dit Hyacinthe, troublée par la remarque du légiste.