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3.92/5 (sur 26 notes)

Nationalité : France
Né(e) : 1990
Biographie :

Adrien Girault est un écrivain.

Il a grandi entre les Landes et le Berry. Il est titulaire d'un master 2 édition de l'Université Sorbonne Nouvelle (2013-2014). Après des études dans les métiers du livre, il a assuré des missions dans la communication.

Après "Rabot" (l'Ogre, 2018), "Monde ouvert" (2020) est son deuxième roman.

Source : amazon
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OGRE (L') (G) - "Monde Ouvert" d'Adrien GIRAULT


Citations et extraits (27) Voir plus Ajouter une citation
– Vous pensez qu’il y fera vraiment froid ?
– Oui. J’en suis revenu avec des entailles sur à peu près toutes les parties de peau qui gercent. Un froid sec, âpre. Il suffit d’être bien couvert, d’avoir le matériel. Avec ce qui s’est passé, faudra que tu te déplaces, j’imagine.
J’inspirai bruyamment.
– La ville a dû être déchiquetée.
– On peut le penser. Reste qu’un paquet d’ingénieurs planchent pour que tout ça ne tremble pas, normalement. Tu verras bien. Pour nous, c’est de la fiction. Aucune caméra, aucune photo, aucune image. Prends des notes si tu peux, il y a, ici, pas mal de bouches silencieuses comme moi qui seraient ravies d’en apprendre un peu plus. Histoire de ne pas s’endormir dans le même foin que les autres. J’ai pas la moindre idée de ce qui peut se tramer là-bas. ma
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Puisqu’ils n’avaient décidément rien d’autre à faire, Dale et Sven prirent le large. De l’autre côté de la route, le long d’un chemin de terre, ils découvrirent deux ânes qui auraient mutilé les cœurs les plus endurcis. Au-delà de la tristesse séculaire qui habitait le fond de leurs yeux, les voir ainsi, sabots prisonniers de la neige, faisait venir les larmes. Sven rit grassement d’abord. Dale le foudroya du regard. Il savait que l’autre jouait au dur. Il n’y a rien de pire qu’un homme qui ne respecte pas les bêtes. Dale les appela en agitant une main par-dessus la clôture. Les ânes, malgré le froid et l’épaisse couche de neige, piétinèrent jusqu’à eux depuis le fond de l’enclos. Dale arracha une grosse quantité d’herbe. Sven l’imita. Quand les ânes furent tout près, ils avaient de quoi nourrir un régiment. On alterna caresses et poignées d’herbe. Dale se refusait à croiser leur regard. Sven était finalement excité, on aurait dit qu’il n’avait jamais vu une bête de sa vie. Il redoubla de surnoms affectueux, et rechigna presque à les quitter. Dale promit de revenir. Le chemin était bordé alternativement de petites portions de forêt et de champs. Ils avançaient capuche sur la tête. Sven sifflotait. Dale se concentrait sur ses pas, et il estimait l’usure de ses chaussures en rêvassant. Il demanda à Sven si la compagnie de la société ne lui manquait pas. Il ne s’étendit pas plus que ça. Parvenus aux abords d’une grande forêt, dans laquelle on aurait dit qu’ils hésitaient à pénétrer, ils firent demi-tour. Essoufflés et les mains et les joues rougies, ils secouèrent un mélange d’eau croupie et de boue glacée accroché à leurs bottes avant de s’avachir à l’intérieur de l’entrepôt.
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La route était mauvaise, tournoyait et, surtout, était couverte d’une fine couche de gravier. Le moteur de la Xantia surchauffait, et parfois même rugissait, indiquant sans doute un passage de rapport mal maîtrisé? La voiture atteignait péniblement les cinquante à l’heure. L’air était froid et cassant? Des restes de givre embuaient les côtés du pare-brise. Le ciel était d’un gris presque laiteux, tirant sur le blanc? Au volant, Dale gesticulait, ses bras moulinaient dangereusement lorsqu’il négociait les virages en épingle, et, parfois, il empoignait brutalement le levier de vitesse, par exemple quand il fallait rétrograder en côte pour récupérer de la puissance. La nuit n’allait pas tarder à tomber. Pourtant c’était encore le milieu de l’après-midi. Les phares étaient déjà allumés et éclairaient les fossés profonds, les ravins, et le museau hargneux des chiens qui jappaient. Les demeures étaient sombres et intimidantes, et les bêtes avaient l’air particulièrement agressives. Il y avait parfois une loupiote vacillante à la porte d’entrée, mais la grille des portails était systématiquement fermée. Dale roulait depuis six heures. Un seul arrêt pour pisser, en vitesse, dans la boue, et il était revenu sur son siège avec des chaussures à talons. De la terre s’était éparpillée sur le tapis. Dale se foutait complètement de la propreté, voire, il trouvait ça louche. Avant de repartir, il mit ses mains en bénitier, les porta à sa bouche et souffla, et puis les frotta avec énergie contre sa cuisse pour fluidifier le sang. Dale avait roulé presque d’une traite mais regrettait de ne pouvoir s’arrêter dans un drugstore ou une station, quelque chose qui aurait égayé l’imagination. Au lieu de ça, il terminait laborieusement le parcours, une crampe lui tirant la jambe en remontant jusqu’aux fesses.
« Ah, la cambrousse, quand même », se disait-il, plutôt négativement du fait de ces routes compliquées. Il voyait bien que les paysages avaient un truc, sûrement pas de la beauté mais quelque chose tenant du caractère et de la franchise. Il y avait des cabanes en pierre avec des trous noirs en guise de fenêtres, des silos à grains, des sentiers qui s’enfonçaient, de grands panneaux à l’effigie de magasins de bricolage dont les inscriptions s’effritaient. La radio captait mal. Dale l’éteignit car les nasillements lui tapaient sur le système. La route s’allongea enfin et Dale sortit de son pantalon un bonbon à la menthe fraîche qu’il suçota. Ce qui était bien avec son pantalon, c’était le nombre de poches. C’était un pantalon de baroudeur. Il pouvait ainsi avoir à portée de main son couteau et toutes sortes de gadgets, du fil, une boussole, un carnet. C’était un pantalon qu’on achetait dans les surplus ou dans les magasins d’occasion. Il avait emporté un sac laid et pratique qui traînait sur la banquette arrière.
Dale s’orientait avec une carte fripée qu’il avait étalée sur le tableau de bord et coincée avec une pierre afin de la consulter en roulant. Avant de partir, il avait surligné le trajet d’un grand trait jaune qui s’était délayé au contact de l’encre imprimée. Il avait noté l’adresse sur un Post-It qu’il gardait dans la poche arrière de son pantalon. Il avait pour consigne de faire disparaître la carte dès son arrivée. Il avait quitté l’autoroute avec dans un coin de sa tête l’idée que c’était la dernière fois qu’il l’empruntait, et cela l’avait empli d’une joie simple, gratuite et illusoire.
L’obscurité était sur le point d’engloutir le décor. Les jambes engourdies, les épaules lourdes, maintenant que l’entrepôt approchait Dale restait pied au plancher. Les phares de la Xantia étaient d’un autre âge. Jaunes. Un jaune d’œuf dur, un jaune pétant. Il débarrasserait son coffre plus tard. Il ne savait pas si l’entrepôt était grand. Son barda pouvait bien rester sous la couverture. Dale n’avait prévenu personne de son départ. Il verrait bien. Il se persuadait qu’il venait ici pour les autres, pour plus grand que lui, pour la cause.
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Puis ma mère prend des nouvelles de mon travail, est-ce que ça me plaît ce truc de garde champêtre, si je ne veux pas me rapprocher, trouver quelque chose plus au sud. À mon âge, m’enterrer là, si ce n’est pas désolant. Je détourne la conversation. Je suis désolé comme elle. J’acquiesce, mais je dis que pour du provisoire je suis au grand air, je sifflote au boulot si ça me chante, il n’y a pas à se casser la tête plus que ça, j’organise mes journées comme je veux, ailleurs je devrais subir un petit chefaillon relativement nerveux. J’ai des comptes à régler ici. Ça, je ne lui dis pas. Elle me rappelle, tu avais quand même des dispositions pour trouver mieux, tu as toujours eu des facilités avec les langues. Elle souhaite que je me tire d’ici, de la tristesse, de l’étroitesse de vue qui fait que je reste quand elle devrait faire que je parte. Elle ne voudrait pas que ça se termine en eau de boudin, que je me gaspille, et elle hausse épaules et sourcils. Elle ignore pour mon arrêt maladie. Faut juste qu’elle attende un peu je me dis dans ma tête. Attends un peu et tu vas voir. Je répète deux fois que je suis d’accord, car pour ma grand-mère on parle trop vite. Causez doucement, manière habile d’avouer sa surdité.
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Mamie, moi. Ma mère en attente. Et la table. Évidemment, manies obligent, chacun s’assoit sur sa chaise, à sa place, dont l’assise en paille est recouverte d’un tablier rouge. De quoi on parle ? De ma mère. On râle. Elle nous fait encore attendre, allées et venues salle de bains chambre, le plat est froid. Il y a un film comme ça où la fille et la mère en sont à se battre, à gueuler de maladresse et d’amour mal dit, elles s’insultent, crient. Les serpents sont plus civils, mais c’est du cœur déballé, babines pendues et désespérées. J’arrive, j’arrive, annonce ma mère contre les remontrances, depuis la salle d’eau, on n’est pas aux pièces. J’ai super envie d’un barbecue, mais il paraît qu’il est trop sale, le temps de laver la grille, comme si ce n’était pas moi qui allais le faire. Et puis ma grand-mère a dit qu’il ne faisait pas assez beau pour un barbecue. Il y a des gens qui sont très stricts avec ça, ils ne savent pas que le feu prend par tous les temps.
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Il faisait beaucoup trop froid pour se branler, son sexe était honteusement recroquevillé et, de toute façon, avec l’otage à côté, la cohabitation avec Sven, toute envie était coupée. Il enfilait alors ses vêtements sur son grand corps. Dale était feignant le matin. Quand il émergeait, les tâches ménagères étaient assurées, les coups de marteau résonnaient, les clous s’enfonçaient, les points de colle s’enfilaient. Il n’y avait pas de fenêtre dans la chambre, aussi le noir de la nuit était semblable au noir du matin. Il avait besoin de temps pour se réhabituer au monde. Il détestait la sensation de son corps rouillé. Dale n’était pas habile de ses mains. Il tournait en rond, à force. Il goûtait l’écriture mais pas plus que ça, pour l’amour éventuellement et les cartes postales.
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Douze jours maintenant qu’ils occupaient l’entrepôt. On ne leur avait pas donné signe de vie. Dale et Sven n’étaient pas du genre à se plaindre. Tant qu’on leur foutait la paix, ils étaient capables de ne pas s’exciter, et de respecter le plan. Et ils aimaient profondément la cause. Au café froid stagnant dans la cafetière, Dale comprit que Sven s’était levé aux aurores. Il n’était pas huit heures. Dale s’approcha du calendrier. C’était le jour du ravitaillement. Effectivement, les clés de la Xantia avaient disparu de la corbeille. Son ventre se serra en imaginant Sven au volant. Il n’était jamais bien confiant en la prêtant. Il n’eut pas le temps de couvrir ses jambes maigrichonnes que le téléphone sonna. Stridente, démodée, on imagine ce que la sonnerie pouvait produire sur l’humeur d’un homme tout juste sorti du lit. Il conquit l’espace le séparant de la tablette en noisetier sur laquelle l’objet reposait en insultant le sang des morts. Dale n’était qu’un exécutant, aussi il masqua ce qu’il pensait de cet appel, et se montra plutôt coulant. De dos, ses mollets laissaient voir des croûtes tirant sur le marron, sortes de corn flakes caramélisés. Dale acquiesça à plusieurs reprises. Puis, après avoir raccroché, il fit volte-face brutalement, comme pour impressionner une partenaire de danse. Il gonfla ses joues, qui bougèrent à droite et à gauche. Puis, il fut enfin temps de rentrer ces vilaines jambes dans un pantalon. Sven fut rapidement de retour. Le claquement des portières alerta Dale, qui avait fait sa toilette et rêvassait, presque dans le silence, concentré. Ils rangèrent les courses. Toujours les mêmes produits. Le coffre se remplissait de moins en moins. Trois bouches étaient à nourrir, et par ce froid, les organismes brûlaient une quantité importante de calories.
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Voilà en résumé ce qui se passait dans le village. Nous nous retrouvions régulièrement pour faire avancer notre enquête. Nous menions des actions. Nous nous épaulions. Il nous manquait la foudre, et de nous réveiller haletants en pleine nuit. Nous tentâmes encore, mais ce fut mou, dénué de génie. On ne savait même plus ce qu’on cherchait chez Beselt. Nous étions figés dans le désenchantement – militants rodés aux placardages sur les murs, jeunes encore pour le saut de l’activisme. Mes compères perdirent la flamme. On se découragea.
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Il y avait dans le village davantage qui m’encourageait à fuir. Il y avait un château et un comte, à l’extrémité basse du village, à l’opposé de la côte et de la grande maison fleurie de ma grand-mère. Il y avait une camaraderie prolongée de fusils. Une chasse et une peine, comme un grand lac immobile.
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L’alcool et le feu chauffaient le front, Sven se désinhiba un peu, il parla de l’armée et de braquages parce qu’il était aux confins de l’ivresse. Cela dit, étant donné sa constitution, le vin n’était pas assez fort pour qu’il puisse y basculer totalement. Dale écouta, il avait ôté ses chaussettes et se tenait allongé sur une couverture, la tête relevée vers le feu. Les flammes léchaient par le côté l’énorme tronçon de bois qui durerait jusqu’au milieu de la nuit. Les morceaux d’écorce prirent en premier et s’embrasèrent comme de la pinède, puis le feu s’apaisa et travailla lentement.
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