AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Iraultza


Dans un essai percutant, Louisa Yousfi, journaliste et militante au Parti des Indigènes de la République (PIR) nous amène à nous interroger sur la résistance des personnes issues de l'immigration à l'intégration imposée par les sociétés occidentales.

Elle débute sa réflexion en citant l'écrivain algérien Kateb Yacine qui évoque la crainte de sa perte d'identité dans la culture française : «Je sens que j'ai tellement de choses à dire qu'il vaut mieux que je ne sois pas trop cultivé. Il faut que je garde une certaine barbarie, il faut que je reste barbare». Il faut ainsi résister à l'intégration, en renversant le stigmate dont on est affublé, « rester barbare », pour ne pas trahir ses origines.

Dans la lignée de Kateb Yacine, Louisa Yousfi nous présente ces «barbares contemporains», comme l'écrivain américain Chester Himes, le français Medhi Meklat, ou des rappeurs comme Booba, ou PNL qui racontent leurs vies dans «un monde qui [les] ratatine». Leur point commun ? Expliquer leur impossibilité de sortir du rôle assigné par la culture dominante occidentale, quitte parfois à «aller à contresens du pouvoir, coûte que coûte, et dans la misère morale s'il le faut». Ainsi, pour subvertir la prophétie autoréalisatrice du racisme, ces artistes se dépeignent en monstre, en bête, «se raconter en barbare devient une façon paradoxale de se raconter en humain, sans se livrer aux bons sentiments de la civilisation».

Pour Louisa Yousfi, les productions culturelles des femmes issues de l'immigration n'ont pas la même réception que celles des hommes, seuls à être considérés comme «barbares» : «dans les milieux progressistes, écrire en tant que femme non-blanche est un sésame», avance-t-elle. On pourrait y voir en effet, la continuité du fantasme colonial de protéger et d'exfiltrer les femmes racisées de leur culture d'origine pour les retourner contre elle. Ainsi, dans l'impossibilité pour les femmes non-blanches de «rester barbare» l'autrice veut défendre la parole de ces hommes qui «parlent pour moi, pour nous».

Si on peut comprendre la lutte collective des personnes issues de l'immigration contre l'acculturation, on reste assez circonspect face à l'absence de réflexion sur la possibilité d'imaginer une expression autonome et indépendante des femmes racisées qui soit irrécupérable par la culture dominante occidentale. Pourtant, le féminisme décolonial propose des pistes d'émancipation dans ce sens, qui plus est dans une perspective anticapitaliste.
Commenter  J’apprécie          50



Ont apprécié cette critique (4)voir plus




{* *}