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Critique de Athenapan


Nous sommes le samedi 15 juin 2019, il est 21 heures, et la vie de Morgan Segui va basculer.

Après un trajet maritime et pédestre d'un bon nombre de kilomètres, arrive la chute. Une chute de plus de sept mètres. Sept longs mètres de chute avec son lot d'impacts et de collisions. Et pourtant la Mort suit son chemin.

Une exploration minutieuse s'impose alors. Il faut sentir chaque partie de son corps, écouter la moindre parcelle de peau, d'os, d'articulation et de muscle susceptible d'être en état de fonctionner. Il faudrait également identifier le liquide qui couvre son visage.

Le bilan est terrifiant. Il ne faut pourtant pas paniquer ; appréhender ces morceaux de soi qui ne sont plus au bon endroit, ceux qui ont disparu et ceux qui n'étaient pas là auparavant.

En plein coeur de cette nuit tropicale, est venu le temps de hurler. Hurler pour trouver de l'aide. Hurler désespérément en vain.

La fatigue s'installe, les pensées se tournent vers les enfants qui n'auront bientôt plus de père. La tristesse à présent. Bon sang, comment en est-il arrivé là ?!

Morgan Segui vit depuis plus d'un an au Timor-Leste. Les balades en mer sont devenues une passion quotidienne, mêlant tout ce qui le fait vibrer. « l'eau, la mer, les mécaniques simples ; réparer, améliorer, trouver par l'expérience les gestes, les bons réglages ; l'adrénaline, la solitude, et toutes les situations où tout cela est mis en jeu. »

Le 31 décembre 2018, il quitte pour la première fois la baie et ses côtes rassurantes. Il a 41 ans à présent, et il se remémore tous ses réveillons précédents, peuplés de complaisance, de fêtes que l'on a peur de rater, des conventions sociales ou familiales, des amis que l'on ne veut pas décevoir ; mais pas de réveillon qui révèle réellement son vrai moi, ses véritables désirs de célébration. Ce soir, ce sera différent.

Lorsque le jour de la grande expédition est arrivé, son excitation est totale, mais il se focalise complètement sur la traversée en mer. Il est persuadé que si danger il y a, il ne pourra venir que de la mer. Il n'envisage pas une seconde qu'il puisse provenir de la terre ferme.

Malgré les conseils avisés lui prodiguant d'attendre le lendemain pour gravir le Manucoco, Morgan n'écoute que lui. Il veut absolument mettre à exécution le plan qu'il s'est fixé : achever la traversée en mer et rejoindre le sommet dans la même journée.

Au travers des toiles d'araignées de deux mètres de large et des brumes à l'épaisseur aveuglante, on s'imagine sans mal arpenter les roches du mont Manucoco tant l'atmosphère est immersive. En pleine jungle, Morgan n'aura cessé d'ignorer les signaux que son entourage et son instinct lui ont pourtant envoyé jusqu'au dernier moment…

L'instant où l'on comprend que l'on est perdu est particulièrement effrayant. le stress s'immisce, s'infiltre dans notre corps tout entier. À l'angoisse se greffent les hallucinations, les paroles et les conseils portés à soi-même à haute voix. Morgan poursuit son chemin sans savoir où il va, sans respecter les règles de sécurité pourtant cruciales dans ce genre de situation. Il glisse, trébuche, n'assure pas toutes ses prises.

Et ce qui devait arriver arriva.

La chute.

« La fatigue extrême, la soif, le choc, l'absence de service de secours, de soins médicaux, de nourriture, d'un abri où trouver le confort auquel je suis habitué, tout concourt à laisser s'exprimer le peu de génie animal qu'il reste dans ce corps de randonneur moderne mais blessé. Je laisse venir la bête. Je vois, je sens et j'entends mieux, mon coeur et ma respiration se synchronisent. »

Morgan est dorénavant contraint de se battre pour sa survie. Dans un bien piètre état, c'est en se reconnectant à la nature qu'il va parvenir à trouver les ressources nécessaires pour tenter de sortir vivant de cette jungle loin de tout secours. C'est toute la volonté de vivre de Morgan qui se met en branle et dévoile des trésors de ténacité, de rage de vaincre, pour chaque jour, avancer toujours un peu plus, prohibant procrastination et désespérance.

Ce récit est incroyable… J'ai pleuré, tant ce vécu est exceptionnel et émouvant. C'est un témoignage terrible, terrifiant et d'une intensité insoutenable.

Un très très grand texte de récit de survie.
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