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Critique de Levant


Sur les étals de ma librairie habituelle, les bandeaux rouges ont fleuri sur les ouvrages d'un certain Modiano. Je ne dirai pas que je n'ai jamais entendu ce nom, mais j'avoue ne pas avoir lu cet auteur qui vient de se voir couronné du titre suprême : le Nobel de littérature 2014. Mea culpa.
Je me méfie toutefois beaucoup des oeuvres primées. Dans le monde du cinéma par exemple, la palme d'or à Cannes est pour moi rédhibitoire. Je fuis. L'auto satisfécit de la profession est une promesse d'ennui. L'oeuvre primée est à coup sûr irregardable.
Tiens donc !

Je prends garde à ce snobisme qui veut aller à contre courant du populaire. Parce que le populaire est forcément vulgaire. Parce que l'élite veut se resserrer dans un cercle restreint d'affranchis. le meilleur moyen d'y parvenir est alors de placer sur le podium un truc improbable et de l'instituer en oeuvre majeure. Cela dissuadera la masse des incultes, des non accrédités, de s'y intéresser. Pour que les seuls avertis puissent s'élever au discernement du sublime, le mieux est encore de le décréter.
En est-il de même pour la littérature ?
Et qu'en est-il lorsqu'il s'agit de l'ensemble de l'oeuvre ?
Il faut donc que je me fasse ma propre idée sur Modiano. Je choisis un ouvrage. Au hasard, je ne connais pas sa bibliographie. Je prends « Dans le café de la jeunesse perdue ». C'est court, 150 pages. Si jamais je m'endors au beau milieu d'un chapitre, le bouquin ne me fera pas mal en me tombant sur les pieds.
Je me dis que je vais quand même faire un effort d'attention. Pensez donc, Prix Nobel de littérature ! C'est comme le Goncourt pour chacun de ses ouvrages. Ce n'est pas rien.

D'abord, c'est lisible. C'est déjà ça. Je dirais même que ça se lit bien. C'est encore mieux. C'est curieux, le « Je », celui qui parle à la première personne, n'est pas le même d'un chapitre à l'autre. Comme si plusieurs personnes avaient écrit le livre. C'est un peu perturbant, mais je sens que c'est voulu. Et puis je ressens comme un trouble. le vocabulaire n'est pas celui de la mélancolie et pourtant on perçoit bien l'instinct de mort qui prend le pas sur l'instinct de vie. La force d'un auteur est de savoir l'insinuer en vous, à la seule lecture de ses mots, arrangés comme nul autre ne saurait le faire. C'est sans doute ça le talent.
C'est un livre d'atmosphère. On navigue dans le Paris d'une époque imprécise mais contemporaine, autour de « points fixes » entre « zones neutres et trous noirs », dans les errances de cette jeune femme qui n'a pas accroché au bonheur. Pas même à cette petite lumière qui vous aspire dans une fuite en avant, en quête de meilleur et qu'on appelle espoir. Elle n'est pas malheureuse. Elle est paumée. Je le suis aussi. Je sens bien la grisaille qui descend en moi et imagine bien que ça finira mal.
C'est fort. C'est le talent. Il a été primé. Je n'y trouve rien à redire.

Plus fort encore, c'est que parvenu au terme de cet ouvrage, j'ai envie de le relire, tout de suite. Ce que je fais. Connaissant la fin je veux démonter le mécanisme par lequel Modiano arrive au dénouement. Comment il m'y a préparé avec le seul arrangement de ses mots. Comment il m'a intégré dans cette atmosphère. Je veux m'imprégner de cette supériorité.
Finalement la littérature n'est pas comme le cinéma. D'ailleurs ce dernier s'inspire de la première et non l'inverse. Il la pervertit plus souvent qu'il ne la sublime. le cinéma est le monde du paraître. La littérature est celui de l'être.

Cet ouvrage me donne-t-il le goût de lire une autre des oeuvres de Modiano. Certainement. J'ai l'impression que la consécration 2014 n'est pas volée. D'aucun lisant ces lignes, plus averti que moi dans cette bibliographie désormais consacrée, me conseillera t-il ? A côté de quel ouvrage de Modiano ne faut-il pas passer sans s'arrêter ?
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