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Critique de MarionJL


L'ouvrage se compose de 4 petits essais: Esprits élémentaires (écrit en 1837), la Déesse Diane (écrit en 1845), le docteur Faust (écrit en 1851) et les dieux en exil (écrit en 1853). le point commun entre ces quatre écrits est l'opposition entre les dieux et esprits antiques, le paganisme antique, hédoniste et sensuel et la spiritualité protestante allemande du 19ème siècle.

Dans esprits élémentaires, Heinrich Heine cherche à retrouver la religion un peu “originelle” germanique qu'il associe à un paganisme scandinave. Il présente d'abord les « esprits élémentaires » : les nains pour les esprits de la terre, les elfes pour les esprits des airs et les nixes pour les esprits des eaux en rapportant les différentes légendes et influences qui s'y réfèrent (notamment les valkyries, les normes, Mélusine et autres). J'ai bien aimé cette partie et aurait aimé qu'elle soit plus longue et un peu moins dilettante.

Concernant l'élément du feu, Heine développe l'idée que le diable est l'unique élément du feu, qu'il est tellement froid qu'il peut survivre dans les flammes de l'enfer. Il présente aussi quelques légendes liées au diable et embraye ensuite dans une digression intéressante sur la façon dont le christianisme s'est approprié les croyances antérieures et comment il a terrassé ses adversaires, en particuliers comment les anciennes divinités ont été “démonisées”. Pour Heine les anciennes divinités grecques et romaines, tout comme les esprits élémentaires sont toujours vivants mais se cachent car ils ont perdu en puissance face au christianisme.

Avec cette idée de divinités cachées aujourd'hui mais auxquelles on peut accéder dans des anciens temples ou dans des anciennes statues, on retrouve deux histoires qui ont la même trame que la Vénus d'Ille de Mérimée (Heine pense d'ailleurs que l'influence est espagnole dans ces contes allemands).

L'essai finit ensuite sur deux chants qui raconte le conte du chevalier Tannhaüser (minnesänger dans la version de Wagner (11ème 13ème siècle) et de Vénus qui n'apporte pas grand chose à la réflexion (Wagner fera un opéra de l'histoire du chevalier Tannhaüser 15 ans après l'écriture des “esprits élémentaires”) mais qui prépare le texte suivant de la “Déesse Diane” qui reprend en fait cette légende.


“La Déesse Diane” est une ébauche de livret de ballet avec des tableaux. L'idée principale de Heine est que les divinités antiques ne sont pas mortes mais se cachent maintenant et vivent joyeusement la vie, le ballet se passant au moyen-âge allemand (vers le 13ème siècle).

Le ballet met en scène un chevalier allemand en proie à un amour passionnel pour Diane Chasseresse, alors que la déesse a été détrônée par le christianisme mais vit encore cachée dans son temple. Elle vient le chercher lors de son mariage pour l'emmener au mont de Vénus ou le chevalier Eckart le défie et le tue pour sauver son âme immortelle. Les différentes parties du livret sont issues des légendes explorées dans esprit élémentaires. C'est intéressant de lire les deux à la suite car on comprend bien l'influence du matériel littéraire existant et le processus de création de Heine.


Dans “le Docteur Faust”, poème dansé, Heinrich Heine expose la signification de la légende de Faust qui est pour lui “l'affrontement entre l'hédonisme des dieux grecs païens et la vertu domestique et spiritualiste des peuples germaniques”, bien plus que la damnation éternelle de Faust à cause de sa volonté de connaissance et de jouissance.
L'intrigue se situe au XVIème siècle et Faust, magicien, passe un pacte avec Méphistophélès (ici Méphistophéla) pour obtenir l'amour, la connaissance et la jouissance des biens de ce monde.

L'introduction de Heine est très intéressante sur les différentes sources de la légende de Faust (dont le Faust de Goethe est le dernier avatar). Ça donne envie de relire le Faust de Goethe. Les notes de la traductrice sont très intéressantes d'ailleurs sur la propagation du mythe, qui semble complètement différente de ce que propose Heine. C'est intéressant sur la façon dont les sources sont adaptées : quels motifs principaux sont retenus? Comment garder la même signification en changeant l'apparence.

De même le livret final est très intéressant et explicite bien la démarche créatrice de Heine : les différentes sources qu'il connaît, lesquelles il retient et pour quelles raisons ; quelle compréhension il a de la légende de Faust ; comment cette compréhension est nourrie de sa comparaison entre les différentes versions qu'il a pu voir ou lire. Il parle beaucoup en particulier de la version de Marlowe et des versions données par les théâtres de marionnettes, non écrites, mais qui pour lui retiennent plus de thèmes anciens.

Il explique aussi dans ce livret pourquoi il a retenu l'apparence d'Hélène de Troie dans son ballet (car pour lui la légende de Faust est en fait la cristallisation du combat menée entre la Grèce païenne et hédoniste et l'Allemagne puritaine et protestante qui a été reprise à la Renaissance entre l'Italie enchantée et emmenée par la redécouverte de ces textes et l'Allemagne qui les a rejetés).

Dans la fin du livret, il livre toutes les légendes qui ont trait aux sorcières allemandes et au sabbat (loin des sorcières païennes qu'on pouvait trouver dans esprit élémentaires) avec tous les rituels lascifs du sabbat. C'est assez étonnant car il en parle comme de quelque chose d'avéré et complètement corroboré par tous les témoignages de sorcières (qui était torturées donc disaient forcément la vérité).


Dans “les Dieux en exil”, il reprend ce thème des divinités cachées et non détruites par le triomphe du christianisme et nous explique comment les divinités se sont cachées depuis la chute de l'empire romain : dans des îles ou au milieu des hommes. On pourrait dire que c'est plus une représentation de son thème favori qu'un approfondissement de sa réflexion. On retrouve donc Vénus, Mars, Dyonisos, Zeus et Hermès dans leur cachette actuelle. C'est divertissant mais ça permet effectivement d'apporter un éclairage aux autres textes et j'ai trouvé très intéressant que ces textes soient présentés ensemble.
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