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Critique de Bartzella


Quelle aventure bouleversante nous est racontée par Nadia Hashimi ! Je ne sais par quel bout commencer car il me semble qu'il y aurait tant à dire et en même temps, il faut faire attention à ne pas trop dévoiler de secrets. Déjà lors de sa note d'introduction, une boule s'est formée dans ma gorge et j'ai su que j'allais aimer ce livre. C'est une histoire fictive dans le sens où ces personnages-ci n'existent pas, mais leur vécu pourrait se calquer sur celui de millions de réfugiés dans le monde, et en cela, nous en sommes ébranlés. C'est actuel, cela raconte le quotidien de tous ceux qui fuient un pays qu'ils ont pourtant aimé, un jour. La vie n'est pas tendre pour ces gens qui cherchent avant tout la paix.

L'histoire nous emmène en 1999, sur les traces de la famille Waziri.

Pendant le premier tiers, Fereiba (la mère), nous raconte sa vie à Kaboul en remontant à son enfance. On la voit grandir au sein d'une famille plus ou moins unie jusqu'à ce qu'elle se marie, puis la vie commune du couple et la naissance de leurs trois enfants (Salim, Samira et Aziz) jusqu'à l'escalade des conflits au pays. Fereiba était heureuse avant le nouveau régime; enfin adulte, elle avait la chance de pouvoir enseigner, avait le droit d'étudier, sa fille pouvait aller à l'école…tout cela a désormais bien changé. Privés de tous droits, même les hommes songent à quitter cette patrie qui leur est devenue étrangère, malsaine, dangereuse, paranoïaque, fanatique. La famille Waziri planifiait déjà quitter le pays lorsque le mari est exécuté pour on ne sait quel crime. Maintenant veuve avec trois enfants à sa charge, Fereiba, femme sans salaire, n'a aucune chance de survivre, l'obligeant pour de bon à fuir Kaboul et les talibans.

"Le monde est ainsi fait. Une femme sans mari. Des enfants sans père. Peut-être qu'une famille normale est incomplète par définition. Comment ai-je pu espérer qu'il en irait autrement ? L'Afghanistan est une terre endeuillée, peuplée de veufs, de veuves et d'orphelins. Une terre où l'on perd à tous les coups – une jambe droite, une main gauche, un enfant, une mère. Tout le monde a perdu quelque chose, comme si un trou noir s'était ouvert au centre du pays pour aspirer en son ventre insatiable des fragments de chacun. Quelque part sous notre terre kaki repose tout ce que nous avons perdu."

Jusqu'à la fin, les deux derniers tiers alternent entre Fereiba (toujours raconté à la première personne) et Salim (raconté à la troisième personne), le plus âgé des garçons (15 ans). L'ensemble est mené finement, le texte est bien écrit, et ça passe vite car il y a beaucoup de mouvement. Nos personnages ne restent jamais bien longtemps au même endroit. On change de place, on change de décor, on rencontre beaucoup de monde. Cela demeure stressant car en même temps, la famille doit constamment rester dans l'ombre, ce qui n'est pas chose facile lorsque l'on tente de travers cinq pays illégalement.

"Le monde de la clandestinité n'avait ni lois, ni codes, ni filets de sécurité. Certains passaient avec succès. D'autres n'y parvenaient jamais. Nul ne savait ce qui arrivait réellement dans l'univers obscur des passeurs, en dehors des quelques histoires qui émergeaient à la surface."

Bravant mille dangers, leur exil peut souvent leur coûter la vie. La vie ou la mort, à pile ou face. J'ai été secouée dans le coeur et dans l'âme par ce récit tragique, qui rappelle à quel point l'être humain peut parfois être poussé à traverser l'enfer; à tout quitter, tout perdre, non pas par choix, pour parfois ne pas trouver tellement mieux à l'autre bout. Des espoirs déçus, des vies fracassées, mais pas seulement. Il en ressort beaucoup de lumière et de positivisme également. D'espoir. Ce qui fait du bien est qu'à travers ceux qui profitent inévitablement de la misère des uns, il y en a beaucoup plus qui tendent la main et font au mieux pour les aider à traverser cette crise qui ne porte pas de nom. À travers toute cette noirceur, il reste une part de soleil qui brille et cela fait chaud au coeur.

Ce roman, je l'ai aimé de A à Z, même si j'ai souvent eu froid dans le dos.

C'est le genre de récit qu'il faut lire; qui fait réfléchir beaucoup, qui nous remet en question, qui nous fait apprécier d'habiter un pays où – pour l'instant – nous ne sommes pas obligés de fuir pour avoir la vie sauve, qui nous rappelle de ne rien prendre pour acquis, qui nous apprend énormément sur ces héros, ces survivants remplis de courage et de résilience, les dangers qu'ils doivent traverser pour avoir droit à une vie meilleure. Qui nous apprend des choses sur l'Afghanistan, aussi.

Je suis complètement sous le charme de toute l'humanité transmise par l'auteure Nadia Hashimi à travers sa plume. Un sans-faute. Un livre à lire absolument !

CHALLENGE PLUMES FÉMININES
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