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Critique de DragonLyre


À seize ans, Laureline vit dans sa bulle, trop introvertie pour intéresser ses camarades de classe et pas assez féminine pour satisfaire ses parents. Vêtue de son éternel sweat gris muraille, elle veille à toujours se fondre dans le décor afin de ne créer aucun remous. Mais ses parents s'entêtent à vouloir la façonner à l'image qu'ils se font d'elle, ils rêvent de la voir se pomponner et refusent de l'appeler Lori comme elle le leur a maintes fois demandé. À leurs questions, toutefois, elle ne trouve pas de réponse. Elle ne se sent ni fille ni garçon, ni hétéro ni bi ni homosexuelle. Sans cesse comparée à sa soeur cadette, Tiphaine, si belle et si parfaite, Lori essaie de s'imaginer tour à tour avec les étiquettes qu'elle voit sur d'autres sans qu'aucune ne lui aille, et en cela, elle se sent perdue. Son mutisme n'a donc rien d'une rébellion. Lori ne sait pas. Pas encore. C'est tout. Mais pendant que son père peste et que sa mère se lamente lors de réunions à l'Église, l'étau se resserre autour de l'adolescente. Sous couvert d'un pseudo stage de développement personnel, ces derniers l'envoient au fin fond du Jura, dans un camp d'été géré par des catholiques acharnés. Lori comprend vite dans quel guêpier sa famille l'a fourrée. Il s'agit non de l'aider à s'épanouir, mais de la changer. La faire entrer dans le moule de la féminité, de la normalité. Et pour cela, tous les coups sont permis.

Avec ce roman, Christine Féret-Fleury nous appelle à aimer plutôt qu'à vouloir catégoriser à tout prix et à juger. Je me suis énormément retrouvée dans les interrogations de Lori lorsque j'avais son âge. Les tee-shirts trop grands, les jupes depuis longtemps oubliées, l'absence de maquillage et de bijoux, d'attirance pour les garçons et pour les filles, l'isolement compensé par une imagination galopante, l'impossibilité de se faire une place dans ce monde dans lequel elle évolue, ne répondant à aucun des critères habituels. J'ai compati à ces tiraillements qu'elle ressent sans cesse à vouloir faire plaisir à ses proches, mais pas au point de s'oublier elle-même. le portrait brossé par l'autrice m'a convaincue d'un bout à l'autre et de ce fait, je me suis sentie plus révoltée que jamais par la suite des événements.
Dans ce fameux camp, organisateurs et animateurs s'adonnent à un extrémisme inhumain. L'intolérance est au rendez-vous, et on prône le patriarcat à toutes les sauces, comme si nous étions de retour au début du siècle dernier. Abandonnez toute idée de féminisme et d'égalité des chances. Une femme doit forcément porter de jolis vêtements colorés pour en être une digne de ce nom. Elle doit sourire, faire le ménage, la couture, cuisiner pour son homme. En vouloir davantage, c'est se rapprocher du Diable et de la corruption de son âme. Face à eux et aux autres participants, Lori se sent complètement démunie. Piégée et abandonnée. Elle ne comprend pas – et moi non plus d'ailleurs – comment ses parents, censés la protéger, ont pu la jeter en pâture à des concepts aussi dégradants. Pourquoi chercher à la formater à ce point ? Ne peuvent-ils pas l'aimer telle qu'elle est ?

Christine Féret-Fleury dénonce dans ce roman les thérapies de conversion qui font encore des ravages à l'étranger. J'ai été effarée d'apprendre en fin d'ouvrage que ces fameuses thérapies n'ont été légalement interdites en France qu'en 2022. Cela fait moins de deux ans ! Ça me paraît tellement inconcevable de traiter des êtres humains de cette manière. de les tordre dans tous les sens, en dépit des cris et des pleurs, pour les faire rentrer dans les petites cases étriquées de la société. Bien que l'autrice nous serve ici une version quelque peu édulcorée de ce que ces camps peuvent être, puisqu'elle cible avant tout un lectorat young-adult (mais pas que !), j'ai souvent eu les larmes aux yeux et la rage au ventre. À une époque où les personnes LGBTQIA+ sont encore régulièrement victimes de crimes de haine et où les extrémistes de droite cherchent à tout prix à éroder les droits récemment acquis par les femmes (comme celui à l'avortement, par exemple), ce roman est plus que jamais nécessaire pour ne pas oublier ce qui fait de nous des êtres humains, et non des monstres prêts à lapider leurs pairs pour ne pas avoir coché les bonnes cases sur la liste de ce qu'ils ont ou non le droit d'incarner.

Un très beau roman sur l'art de s'émanciper, envers et contre tout, loin des standards de conformité et des attentes d'autrui ! Une véritable ode à la diversité, à l'acceptation de soi et à l'ouverture d'esprit.

Lien : https://dragonlyre.wordpress..
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