Portrait incomplet de François Busnel en trois livres
Article publié le 07/11/2022 par Pierre Krause et Nathan Lévêque

Partenaires de la Foire du livre, nous étions présents à Brive pour animer des rencontres littéraires. Nous avons profité de la présence de François Busnel, président de cette édition historique, pour lui demander de nous recommander trois lectures marquantes dans son parcours de lecteur. Une question piège ? 



Ce n’est pas un jeu que François Busnel prend à la légère. Ce n’est pas non plus un exercice auquel le président de la Foire du livre de Brive 2022 se livre souvent : « Choisir 3 livres, c’est en oublier tellement d’autres », nous dit-il en tentant tout de même de nous livrer une réponse qui ne soit pas trop insatisfaisante.

Nous sommes à quelques minutes de l’arrivée à destination du train Paris-Brive quand la possibilité de poser quelques questions à François Busnel se présente. Nous lui demandons de nous recommander 3 livres particulièrement marquants dans sa vie de lecteur. François Busnel a bien quelques idées à nous soumettre mais ce grand lecteur se retient tout de même de nous les livrer trop rapidement. C'est que selon lui l'exercice est traître, injuste et peut donner l'apparence d'une injonction de lecture par trop arbitraire : « Les livres que je pourrais vous citer aujourd’hui avec mon humeur du jour, je ne les citerais pas forcément demain. Mon choix n’est pas une vérité absolue. Je fais partie de ces lecteurs perfectibles qui ne veulent certainement pas imposer une façon de lire ou une bibliothèque incontournable et figée dans le temps. »

François Busnel prend alors quelques minutes pour réfléchir aux différentes façons de sortir du piège que nous venons de lui tendre, micro en main, avec notre question impossible. Il faut imaginer un train lancé à toute vitesse entre Paris et Brive et une impossibilité totale pour l'ex-présentateur de "La Grande Librairie" de s'échapper avant notre arrivée en gare. « Une tentative pour m'en sortir serait d'y répondre de manière autobiographique. Une autre serait de vous livrer les 3 derniers livres qui m’ont marqué mais ce serait dommage parce qu'on resterait alors sur l'écume de l'actualité. Quelle question difficile ! »

Busnel se lance dans cet exercice périlleux et injuste avec 3 livres assez durs mais qui dressent un portrait certes incomplet mais tout de même intéressant de celui qui a laissé la présentation de la Grande Librairie à Augustin Trapenard pour se consacrer notamment au cinéma après le succès de Seule la terre est éternelle, son documentaire sur Jim Harrison. 

Gabriel Tallent, My Absolute Darling
Gallmeister Totem, traduit de l'américain par Laura Derajinski, 480 pages, 11,70 €



« C'est l'un des livres qui m'ont peut-être le plus marqué au cours des 10 dernières années. C'est sans aucun doute un livre qui est parfois insupportable à lire mais je trouve qu’on a, avec ce livre, une synthèse parfaite entre Absalon, Absalon! de William Faulkner et Les Frères Karamazov de Fiodor Dostoïevski, c'est-à-dire une approche du Mal sans jamais le juger mais qui est très intéressante. » 


Jim Harrison, Dalva
10/18, traduit de l'américain par Brice Matthieussent, 471 pages, 7,60 €

« C'est le livre parfait quand il s'agit de tresser le lien entre une histoire individuelle, une histoire personnelle en l'occurrence, celle d'une jeune femme amoureuse d'un sang-mêlé dont on va prendre l'enfant, et la grande Histoire. C’est une tentation facile à laquelle de nombreux écrivains ont succombé. Or, Harrison est le maître absolu de ce tressage étrange entre grande Histoire avec un grand H et petite histoire familiale. Par ailleurs, je pense que c'est le plus grand livre jamais écrit sur l'adoption qui fait que même Charles Dickens, le grand Charles Dickens peut aller se rhabiller. C'est dire si la barre est haute parce que j’adore Oliver Twist et surtout Les Grandes Espérances. »


Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac
Librio, 320 pages, 2 €

« Et puis, s'il fallait donner un troisième livre dans un autre genre, je citerais très volontiers Cyrano de Bergerac parce qu’on oublie qu'une pièce de théâtre est un livre et qu'on peut lire du théâtre comme on lit du roman. Je pense que cette pièce, qui a très mauvaise réputation parce que trop populaire est pourtant l’un des plus beaux et l’un des plus grands textes de la littérature française. Au théâtre, c'est 4h15 de représentation en alexandrins et ce sont sans doute les plus belles phrases, les plus beaux aphorismes de la langue française comme ce passage qui devrait être le mantra de tout bon journaliste : "Mais on ne se bat pas dans l'espoir d'un succès / Non ! Non, c'est bien plus beau lorsque c'est inutile."

Ce texte est à la fois un grand roman, une immense pièce, une grande série, un grand film. Cette pièce rassemble tous les arts et se lit comme un page-turner. C’est un livre puissant qui réconcilie avec la vie et qui par ailleurs est peut-être l’un des plus beaux éloges qui soit de la liberté. Hélas, c’est un livre qui ne plaît pas à tous les intellectuels. C’est Jean d’Ormesson qui me disait que pour entrer à l’Académie française, il ne fallait surtout pas dire qu’on aimait Edmond Rostand ! »


C’est ainsi avec ces trois livres que François Busnel a répondu à notre difficile question, avec une mise en garde qui ressemble aussi à une invitation : « Revenez me poser la question demain et c’est trois autres livres différents que je vous recommanderai ! »

Merci à François Busnel d'avoir pris le temps de nous répondre et merci à l'équipe de Faits et Gestes de nous avoir permis de réaliser cet entretien !

Quels sont les livres les plus marquants de votre vie de lecteur ou de lectrice ? Dites-le nous en commentaire de cet article...